mercredi 12 juin 2019

Brigitte Giraud, Aime-moi

A bas bruit, presque dans une proposition incidente, Brigitte Giraud se confie : " La langue de l'amour est comme une langue étrangère à laquelle on n'accède pas." Puis, évoquant Roland Barthes : "Elle éloigne du monde."
Dans son cinquième recueil, Aime-moi, Brigitte Giraud continue, avec une patience obstinée, de creuser le sillon de l'amour déjà ouvert dans ses deux précédentes livraisons, Seulement la vie, tu sais et Passage au bleu.


"Aucune étreinte ne résout l'énigme des caresses", écrit Brigitte Giraud. Le corps, dans sa dimension physique comme dans sa dimension imaginaire, reste un insoluble mystère. La parole, cousue comme une bouche, tait bien plus qu'elle ne dit. 
Et pourtant, petits cailloux disséminés tout au long du livre, des "aime-moi" retentissent comme un appel mais sans enjoindre. Le désespoir, quand il vient musarder dans le poème, "lâche la peur de tomber". Il y a toujours une fenêtre à ouvrir pour ouvrir les yeux.
La mort n'aura pas le dernier mot."Ses mailles minuscules" ne s'empareront pas du ciel s'il vient à s'effondrer !
Enfin, comme dans tous ses ouvrages, Brigitte Giraud observe sans détours "ce qui se détraque dans le mouvement des autres". D'espérances déçues en promesses trahies, elle puise dans l'expérience de sa douleur une force qui aiguise son regard sur l'humanité souffrante. Brigitte Giraud tend la main quand tant d'autres la retirent. "Comment saisir leurs visages et l'en-dedans que la terre abîme ? Et dissout.", écrit-elle dans son évocation des humains condamnés au perpétuel exil.

Résultat de recherche d'images pour "mikio watanabe"Six gravures de Mikio Watanabe montrent des fragments de corps nus, entre noir profond et gris lumineux, et soulignent les déplis de la peau à la fleur du désir. Un bel accompagnement qui, espérons-le, incitera à la lecture de cet ouvrage très réussi dans sa réalisation éditoriale.

Extraits :

Tu dis " Coudre le ciel ou le découdre n'a pas d'importance.
Il faut encore commencer."
Et le sens des choses ne sert plus à rien
qui tienne debout quand 
j'ai peur de tes yeux.

Le sang court sans cesse après des feux,
et la langue des fous réclame.
Les mots brûlent.
                                                                  Aime-moi.

*

Une maille après l'autre défait la mort,
une métaphore prise en ciment dans le recueil.
Une gelée rouge,
ou l'impossible danse de l'infini.

Je me demande quand le corps me sera rendu,
comme tombé dans une fissure du temps.
Alors je recueille en moi la présence de la nuit
qui étire sans cesse celle du rêve agrandi
d'une enfant qui voulait.

Aime-moi de Brigitte Giraud est publié aux éditions Al Manar. Il coûte 18 €.
  image 1 éditions Al Manar
image 2 Gravure de Mikio Watanabe, missiongalleryart.com

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire