mardi 27 août 2019

Emmanuel Echivard, Avec l'ombre

Résultat de recherche d'images pour "emmanuel echivard"Après son remarquable et remarqué La Trace d'une visite, Emmanuel Echivard signe un second recueil, Avec l'ombre, où le lecteur attentif et patient saura saisir les nombreux échos qui le lient au texte précédent.

En exergue à la première partie intitulée A travers l'ombre, quelques mots de René Char lèvent un peu le voile, un peu seulement, sur le chemin à faire dans la déprise de soi pour qu'une révélation nous advienne.
Mais laquelle ?
Il faut beaucoup de désir et surtout beaucoup de volonté pour l'approcher à défaut de pouvoir la définir. Majuscule autant que minuscule, elle apparaît dans des jardins difficiles à nommer, où la joie, souvent, voisine avec la douleur. Elle apparaît aussi tout en haut des montagnes, lumière peut-être, et tout au fond des eaux, fissure insaisissable mais de quoi, de qui.
Entre les racines de la terre et celles du ciel, de la réalité la plus repoussante ("usines mortes", "odeurs d'égouts et de sueur... devant le vomitoire du métro") aux rêves les plus fragiles de l'enfance recomposée, son visage est sans cesse à trouver, retrouver, inventer, réinventer, appeler. Dans l'incertaine solitude jonchée de chutes et de pertes, de triomphes et de défaites.

La deuxième partie du recueil, intitulée A l'ombre des jours fastes, a des accents de parabole voire de prière adressée à la figure de l'amie. La révélation semble enfin apprivoisée, son mystère accepté en ses paroles comme en ses silences, quand "la lumière cache". A la fois corps et esprit, dans les gestes les plus humbles de sa présence et de son absence, elle dit que l'humaine énigme d'être n'en finira jamais de commencer. Gardons-en une conscience aiguë pour qu'un peu de paix nous étreigne !

L'écriture d'Emmanuel Echivard, réaffirmons-le, est d'une puissance rare, qui lui vient de sa simplicité dans le dit et le non-dit, dans le très précis et le très flou, allant de l'un à l'autre sans que le lecteur s'en aperçoive au premier abord. Il devra, tout pétri de patience, revenir lentement à la source du souffle échivardien pour concevoir sa propre révélation. Au petit jeu des appariements littéraires, on pourrait penser, parfois, à Marguerite Duras rendant visite à Edmond Jabès, à moins que ce soit le contraire, et c'est ainsi que les mots creusent et creusent toujours le sillon de l'inexpugnable, dans la matière comme dans l'âme.

Extraits :

Elle pourrait être la lumière. Elle pourrait éclairer ta main. Elle pourrait être le blanc éclatant des viornes. 

Mais elle est à côté.

Tu regardes devant toi un mur fissuré, que la pluie et le gel vont briser.

Elle est la fissure.

*

Ton amie a plusieurs âges en un seul geste.

L'enfant ne t'attend pas.

La jeune fille te cherche.

Aujourd'hui, elle taille le buis du jardin.

Ton amie sera une vieille dame, qui ne saura plus rien 
que consoler :

elle ne mourra pas, elle entrera.

Avec l'ombre d'Emmanuel Echivard est publié aux éditions Cheyne et coûte 17 euros.

image parislibrairies.fr

pour mémoire :https://dominique-boudou.blogspot.com/2017/04/emmanuel-echivard-la-trace-dune-visite.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire