mardi 30 juillet 2019

Voleur de feu n°10, Mylène Mouton et Colette Reydet

Résultat de recherche d'images pour "voleur de feu revue"Il y a longtemps, très longtemps, un certain Platon écrivait dans son allégorie de la caverne que les hommes devaient faire le chemin du monde sensible au monde intelligible pour accéder à la lumière vraie de la connaissance.
Aujourd'hui, bien des temps déraisonnables ayant passé, Mylène Mouton et Colette Reydet proposent le chemin inverse dans le n°10 de Voleur de feu intitulé Entrer dans la caverne.
Le texte, qui alterne prose et poésie avec des mentions en italique, propose à l'homme et à l'animal de retrouver les gestes premiers afin de reformuler la question de l'origine. Il relève le nombre des mains peintes dans plusieurs grottes en France et en Espagne ainsi que l'étendue de leurs pouvoirs. Au commencement n'était peut-être pas le Verbe mais la Main.
Une main qui parle quand elle peint et invente la musique, quand elle caresse les corps et délivre la jouissance.

Le cheval aussi, gravé et peint, prend la parole : " Je chevauche le ciel. Sous mes sabots frémissent les prairies raidies par le gel, les grandes étendues de givre. Je traverse le ciel, les prairies, les cavernes
Piaffant, hennissant."

Le lecteur découvre sous la plume de Mylène Mouton une allégorie de la carnation et de l'incarnation. La couleur est chair. La chair est couleur. Et le feu protecteur à son tour offre son récit. Un récit qui devient Le récit, là où dans la caverne "chuchote une source secrète". Pour retrouver le sacré dans les ténèbres. Celui des éléments avec leur météores, celui de l'eau et du sang d'où naîtra la vie, celui des puissances qui hantent l'humain et qu'il hante à rebours.

Voilà une oeuvre souvent proche de l'incantation chamanique où les ocres et les bistres de Colette Reydet constituent des répons sous la voûte étoilée des stalactites. L'homme n'en a pas fini d'avoir un silex dans la tête, à moins que, allez savoir, le silex était peut-être une annonciation, celle de notre grande aventure [déposée au bord du monde], au bord du naufrage.

Extraits :

"Tiré de la glaise par la main du temps, tu es entré dans la matrice originelle. Tu as mis l'ocre dans ta bouche, tu as mâché la terre avec tes dents, ta langue. La terre s'est mêlée à l'eau de ta bouche
Tu as posé la main sur ma peau découverte, sur ma peau froide et dure. Ma peau froide et dure a reçu ta chaleur, ta force, la douceur, tes songes, tes angoisses, tes craintes, tes joies
Tu as craché à travers tes doigts écartés
Ma peau a reçu la couleur, la vie.

*

Dans un repli de ma peau dure, tu as caché la statuette sacrée
la femme au ventre gonflé, plein de promesse
la femme aux seins lourds

Vie à venir

L'eau, le sang, le lait, l'enfant
Poche d'eau percée libérant la vie,
le nouveau-né

Dans mes entrailles
l'oeuvre au noir.

*


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image Couverture par Colette Reydet voleurdefeu.com

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