mercredi 30 septembre 2020

Philippe Mathy, Etreintes mystérieuses


 Dans son recueil Etreintes mystérieuses, Philippe Mathy prévient le lecteur avec quelques vers de Jaroslav Seifert : " La gloire de la ville ne m'en a jamais imposé... j'aime les étoiles, les forêts, les sources, les prés et les fleurs..."

Philippe Mathy arpente la nature dans tous ses états en toute saison. Il y cherche la clarté plutôt que l'obscurité, le mot "lumière" apparaît seize fois au cours du texte, et quête la joie de l'instant présent qui mène à l'espérance voire au bonheur. L'étonnement y préside au hasard des petits riens. Il ne s'agit pas cependant d'une poésie des béatitudes niaises comme il en ruisselle sous la plume de certaines vedettes de la psychologie positive. L'ombre, même tenue à distance par la volonté, n'en est pas moins présente, mais "frêle" et teintée de clartés. [La solitude n'est qu'un murmure] dans "nos vies si petites".

Au jeu du compagnonnage littéraire, j'ai souvent pensé à Jean-Yves Vallat en lisant Philippe Mathy. Il n'y a pas si loin des berges de l'Ardèche à celles de la Loire. "Entre deux feuilles / la percée de l'automne / mais la sève de septembre / pour faire fleurir un pommier", écrit Jean-Yves Vallat dans son livre Endurance du Météore. En écho, les mots de Philippe Mathy : "Soleil d'octobre sur les dernières pommes... Ce verger, carré d'herbe ou serré contre la brume, je goûte à toutes les branches du présent."

Et ces échos, qui oscillent dans un mouvement pendulaire entre aujourd'hui et demain, entre inquiétude et sérénité, se retrouvent dans la deuxième partie du recueil de Philippe Mathy, intitulée Au bord de l'encre.L'auteur y dévoile un pan de son art poétique. "Etre un guetteur sans but. En attente de rien...", écrit-il. Puis cette dernière notation : "Poètes, nous sommes des passeurs qui ignorons où émerge l'autre rive." Le présent est une permanence jusque dans l'affirmation de l'écriture. En miroir, Jean-Yves Vallat observe dans Vers le silence : "La poésie articule entre nous et le monde une phrase subite dont le pollen féconde ce que nous n'avons pas encore atteint." Le futur est un surgissement qui reste en perspective.


Extraits de Philippe Mathy


Dans la trouée d'un temps qui peine à passer, un infini se profile, consent à l'obscur, l'étend plus loin que le jour. Ombre frêle, buée sur un regard, comme lorsque la fatigue offre au corps que l'on caresse le chemin d'une chaleur où s'abriter.

En chacun de nous la neige, la pluie, les tempêtes, sous les yeux clos d'un ciel qui se refuse. Jours de brume, nuit d'étoiles timides entre les silhouettes sombres des nuages. La tête entre les mains, je regarde par la fenêtre. Rares sont les chemins qui conduisent au feu d'un soleil. L'espérance pourtant, toute menue, discrète, comme si elle s'excusait d'être présente.

Parfois, on frappe à la porte si doucement que c'est presque inaudible. Ce n'est peut-être que le vent, une fleur, un souvenir, un chien errant, un oiseau égaré... Avoir l'intelligence d'aller ouvrir.


Lisez et relisez sans réserve les proses poétiques de Philippe Mathy, si sensibles à l'attention portée à toute chose en ce monde, afin de "respirer un souffle de paix".

Etreintes mystérieuses de Philippe Mathy, auteur d'une oeuvre abondante remarquée notamment par Jean-Marie-Gustave Le Clézio, est publié aux éditions L'ail des ours dont c'est la cinquième livraison. Il est illustré par Sabine Lavaux-Michaëlis. Il coûte 6 €.

Site de l'éditeur : https://www.editions-aildesours.com

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