mardi 23 novembre 2021

La piscine, demain

La piscine, revue graphique et littéraire, vient de faire paraître un numéro hors-série sobrement intitulé demain. Dans sa préface, Christophe Sanchez évoque ce qui "nous met à l'épreuve d'être ensemble" quand nous percevons "notre bien commun". Le pire comme le meilleur ne sont jamais sûrs. Demain ne sera ni utopique ni dystopique. Il sera ce que nous ferons, à hauteur d'homme, si nous le voulons. Dans son demain pétri de cocasseries, Perrin Langda dresse un petit inventaire des procrastinations pour ajourner le réel : "j'ai bobsleigh acrobatique puis natation hippique", "une leçon de pole dance en milieu naturel" ou une "satanée master class de cuisine récup' "... Au parti du rire grinçant, répond celui du rêve. Annabelle Larcheveque imagine que " Demain sera sauvage / vivant / ni écrasant ni écrasé / la paume ouverte / et le songe écouté ". Mais, si l'on en croit Pierre Rosin, demain n'est peut-être que l'idée creuse d'un trou sans bord. " C'est le néant qui nous pousse et nous attire", derrière tout en étant devant, et inversement. Là, qui sait, se trouve le moteur de l'énergie humaine, dérisoire ou pas. 

Notons encore, parmi les nombreuses contributions, celles d'Eli Desanlis dont le "corps s'allongera pour devenir une nouille cosmique", de Fabrice Farre qui envisage le jour "comme un mobile suspendu" et de Jean-Baptiste Pedini qui "porte l'avenir comme d'autres une croix".

Du côté des proses, le lecteur appréciera bondir hors du trou de Françoise Renaud, dévaler, dévaler d'Audrey Gilles ou, parmi d'autres, vingt ans d'un coup de Victor Malzac.

Les photographes, en écho ou en contre-écho, ont ouvert l'oeil sur les tendresses retrouvées, (Bastien Brillard, Demain des câlins, Philippe Castelneau, Les retrouvailles) et les inquiétantes solitudes, (Cédric Nieutin, Trois sourires, Maxime Tenaud, Dernier regard, Hélène Desplechin, Demain).

Remarquons aussi, dans certaines images, l'absence humaine qui pourrait laisser à penser que, mais comment savoir, entre disparition définitive et dissipation temporaire, ce qui restera ou non de nos traces... (Thierry Béghin, Demain n'existe pas, Cédric Merland, Les arbres écrivent aussi).


Extraits :

J'ai planté un écriteau dans mon cerveau. Pour ceux d'ici c'est un secret. A vous je veux en parler. J'ai fui la guerre. Ni lâcheté ni courage. On ne laisse pas sa famille mourir. On serre ses enfants dans ses bras et on leur promet la vie encore. C'est tout. Le reste est entre les mains du temps. A lui de durer assez longtemps pour qu'un jour ils n'aient plus peur des hommes. A lui de leur faire oublier que les monstres existent en dehors des contes. (Karim Alami)

*

Dépêche du 26 avril 2031. Le 18 avril, un individu pénétrait dans le service des chronophobiques de l'hôpital Bicêtre. Au mépris du protocole, l'accusé est entré avec une vingtaine de smartphones scotchés sur le torse. Les téléphones se sont ensuite déclenchés, diffusant partout la voix de l'horloge parlante. Bilan : trente crises d'angoisse et un arrêt cardiaque. (Eléonore Sibourg)


Ce numéro hors-série de La piscine coûte 12 €. N'hésitez pas à le commander à votre libraire ou sur le site revuelapiscine.com, il en vaut la peine et la joie itou.

image de Cédric Merland

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire