jeudi 3 février 2022

Ruben Markaryan, photographe


Ruben Markaryan ne déchire pas ses bottines aux cailloux des chemins rimbaldiens mais ses baskets aux pavés des quais bordelais. La nuit de préférence, jusqu'au pont Chaban-Delmas où la lumière est voluptueuse dans les courbes du fleuve. Il marche. Il flâne. S'arrête et sort son appareil-photo. Une image va venir. Il a la prescience de cet instant. De la chambre noire à la chambre claire, de petits points suspendus en petits points flottants, son oeil écrit la lumière.

Lycéen passionné par l'histoire des arts, Ruben Markaryan devine que la route est longue pour devenir photographe. Les questions foisonnent sur les trottoirs de la ville autant que les images qui traversent la conscience floue. 

Image ? Image ? Qu'est-ce qui est dit ? Qu'est-ce qui est tu ? S'accomplit-elle comme l'imago du papillon sorti de sa chrysalide ? Qu'y avait-il avant elle ? Qu'y aura-t-il après ? Dans quelles durées ? Dans quelles beautés s'il s'en trouve à interroger ? 

Ruben Markaryan, et c'est heureux, ne saura jamais répondre totalement à ces questions. Le réel reste un mystère inexpugnable, on peut juste en apprivoiser quelques morceaux et leur donner un sens minuscule, une vérité modeste. Baudelaire disait que l'art est un duel perdu d'avance par les hommes. Et cependant, ils continuent de monter à l'assaut. Tenaces dans leur désir et leur volonté. 

Ruben Markaryan a ce désir et cette volonté. Je suis convaincu qu'il réussira à trouver quelques signes derrière le voile des apparences. En ouvrant les yeux. En sachant les fermer aussi.


Bordeaux est un croissant de lune au bord de l'effacement.



Une surface plane n'est jamais tout à fait plane. Le vélo sera-t-il attiré par l'abîme du reflet ? Entraînant dans sa chute l'illusion du décor à l'entour ?

Les habitants des Chartrons s'en sont allés les uns après les autres. Mais tous n'ont pas su emporter leur ombre avec eux. Le promeneur les devine dans les fissures des pavés. Elles jettent un dernier feu ici, pour la mémoire de qui voudra se souvenir.
Red and blue. Le visage est aussi un paysage. D'autant plus qu'il est caché. Il faut aller vers lui pour découvrir un peu de sa vérité. Et commencer à l'aimer.







Ruben Markaryan explore aussi les dimensions du portrait, en noir et blanc. Article à suivre.







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