mercredi 9 mars 2022

Montaigne, sauvez-nous du mal

 En ces temps troublés plus que jamais, où des esprits crépusculaires voudraient nous faire accroire que les victimes sont les bourreaux, lire et relire Montaigne permet de mieux respirer le quotidien, d'en repousser momentanément les ombres torses. 

Dans Ainsi parlait Montaigne, Gérard Pfister nous offre de nombreux extraits des Essais, en langue modernisée donc accessible à tous. Je choisis de vous en livrer quelques-uns sans commentaires :


Nous imaginons bien plus aisément un artisan sur sa chaise percée ou sur sa femme qu'un grand président, vénérable par son maintien et sa compétence. Il nous semble que, des ces hauts trônes, ils ne s'abaissent pas jusqu'à vivre.

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Il ne se voit pas d'âmes, ou fort rares, qui en vieillissant ne sentent l'aigre et le moisi.

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Je me défends de la tempérance comme j'ai fait autrefois du plaisir. Elle me tire trop en arrière, et jusqu'à la stupidité. Or je veux être maître de moi de toutes les façons. La sagesse a ses excès, et n'a pas moins besoin de modération que la folie.

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Les femmes n'ont pas tort du tout quand elles refusent les règles de vie qui sont introduites au monde, d'autant plus que ce sont les hommes qui les ont faites sans elles. Il y a naturellement de la querelle et dispute entre elles et nous.

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J'aimerais mieux que mon fils apprît à parler dans les tavernes plutôt que dans les écoles de la parlerie.

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L'écrivaillerie semble être quelque symptôme d'un siècle débordé. Quand avons-nous écrit autant que depuis que nous sommes en trouble ? Et quand les Romains, qu'au moment de leur ruine ?

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La jouissance et la possession appartiennent principalement à l'imagination.

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Même les choses présentes, nous ne les possédons que par l'imagination.

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Je n'ai vu monstre et miracle au monde plus manifestes que moi-même. On s'apprivoise à toute étrangeté par l'usage et le temps ; mais plus je me hante et me connais, plus ma difformité m'étonne, moins je me comprends.

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Il y a plus affaire à interpréter les interprétations qu'à interpréter les choses, et il y a plus de livres sur les livres que sur tout autre sujet : nous ne faisons que nous entregloser. Tout fourmille de commentaires ; d'auteurs, il y en a grande disette.


Ainsi parlait Montaigne, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Gérard Pfister est publié aux éditions Arfuyen. Il coûte 14 €.


PS : Dans la même collection, vous trouverez Baudelaire, Flaubert, Pascal, Proust, Sénèque, Shakespeare et Thoreau, parmi d'autres.

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