dimanche 9 octobre 2022

Ito Ogawa, La papeterie Tsubaki

 Hatoko, surnommée Poppo par sa voisine Madame Barbara, vit seule dans la papeterie Tsubaki où elle exerce le métier d'écrivain public. Un art autant qu'une profession. Sa grand-mère, dite l'Aînée, le lui a enseigné pendant son enfance tout à l'élevant à la dure. La calligraphie, au pinceau ou au stylo-plume, au stylo-bille même, obéit à des critères et des rituels auxquels on ne saurait déroger sans perdre sa réputation. A cela s'ajoute le choix de l'encre, du papier, de l'enveloppe et du timbre selon le type de lettre demandé par la clientèle.

Hatoko écoute avec attention les voeux de ses visiteurs, autour d'une tasse ou d'un café d'orge frais, et cherche à deviner leur sensibilité. Afin que sa calligraphie s'en imprègne. Elle sera plutôt gaie si le client semble porté à la joie, plutôt rêveuse s'il paraît enclin à la mélancolie. La rédaction d'une lettre de quelques lignes peut prendre plusieurs heures et, dans les cas les plus délicats, plusieurs jours. Hatoko peuple ainsi sa solitude de vies qui ne sont pas la sienne... Celle de madame Calpis dont la requête est pour le moins étrange, celle d'une écolière amoureuse de son maître; celle du Baron aux manières un peu brusques et toujours vêtu d'un kimono. Sans oublier madame Poisson et son enthousiasme généreux. Ces personnes qui sont des personnages se retrouvent à l'occasion pour visiter les innombrables temples bouddhistes de la ville de Kamakura. Et partager quelques plaisirs de table.

Puis, un jour, Hatoko reçoit la visite d'un jeune homme venu d'Italie. Il porte dans son sac à dos une centaine de lettres. Mais ne disons rien de l'émotion qui saisira le lecteur. Une chose est sûre, Hatoko ne sera plus jamais la même.

Ito Ogawa réussit avec La papeterie Tsubaki une belle prouesse de simplicité. Son style dépouillé, presque sec parfois, touche droit au coeur, dans la légèreté comme dans la peine. Les nombreux fac-similés en caractères japonais qui traversent le roman lui confèrent une matérialité si fragile que l'émotion monte encore d'un cran. A quoi tiennent finalement les malentendus de l'existence, anecdotiques ou graves ? La réalité est-elle aussi ineffable que les cerisiers en fleur ou le tintement grêlé des cloches à l'entrée des sanctuaires shinto ?


La papeterie Tsubaki d'Ito Ogawa est publié chez Picquier poche et coûte 9 €.

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