lundi 29 août 2022

Le parfum de Mathilde

 Le parfum de Mathilde m'apparaît

Avant son visage

Une infinie lenteur monte à mes narines


Quand je regarde les bateaux.

Les échelles de coupée vacillent un peu

Les corps ont moins de portance

Dans l'air qui tremble

Mathilde efface tout sur son passage

Elle appareille vers le grand large

J'imagine qu'elle s'assombrit

Quel rivage pourrait l'attendre encore

Si trop de vieilles passions mais lesquelles

La mémoire aussi a vieilli

Mathilde abandonne ses idées folles

Et s'en retourne petite chose presque

Vers l'oubli qu'elle n'aurait pas dû quitter

Je la suis le long du quai où j'entends des clapots

Sans savoir ce qui de moi disparaît

En elle

*

Emma Constance Nastassia Mathilde

J'en finirai bientôt de marcher

Avec ces visages de passage dans ma mémoire

Ces personnes qui sont des personnages qui sont des personnes qui

Mon corps les porte depuis mes enfances à retardement

Quand j'ai pu jouir enfin d'être naïf

Mais pourquoi me retourner encore

Si la lucidité cloue mes mains

Quel visage de moi ai-je pu composer

Qui ne mente pas

*

Le chemin qui reste

Sa fièvre plus lente et plus profonde

Je devine mieux l'envers de la ville

Des murmures nouveaux chuintent

Dans la gare et sur les quais

D'autres visages m'adviennent avec d'autres romans

Cette beauté-là nerveuse

Saurait tirer sur la foule ou galoper à cru

Si et si dans une tourmente

Je la nomme Pauline et déjà elle s'efface

Une fragile Otoko la remplace

Avec un lac au fond de ses yeux vides

Son amant les a tués

La folie guette encor elle a des griffes

Que le ciel se déchire

Et je n'aurai pas les mots au creux de mon ventre


(Les trois derniers textes de mon recueil inédit Se retourner sur un visage.)


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