lundi 13 novembre 2023

Ilona Polakova et l'amour de la France

Tous les ans, Ilona Polakova, de nationalité tchèque, séjourne à Bordeaux pendant six semaines. Au printemps et en automne. Je lui donne régulièrement des cours de conversation et de grammaire. Elle veut "dépoussiérer le lexique" et maîtriser davantage la concordance des temps, s'approprier tous les registres du langage. Elle sait qu'une langue s'appauvrit si son squelette manque d'ossature. Francophone et francophile, elle s'intéresse à notre littérature, à notre histoire, à notre cinéma et à notre chanson. Récemment, elle a rencontré Jean-Philippe Toussaint à la librairie Mollat et s'est fait dédicacer son dernier livre, L'Echiquier. De même,  elle a assisté à la présentation du dernier film d'Albert Dupontel, Second tour, et a échangé quelques mots avec le réalisateur. Longue dame auburn (clin d'oeil à Barbara dont elle aime le répertoire), elle arpente les artères de la ville avec une préférence pour le quartier des Chartrons et se rend souvent à la bibliothèque de Mériadeck. D'un pavé à l'autre, il y a toujours à regarder, à sentir et à apprendre, à partager.

Mais qui est au juste Ilona ? Fille et petite-fille d'artistes lyriques interdits de récitals sous le régime communiste, elle est mère de deux garçons musiciens, Indra et Petarda. Elle a été libraire  à Prague et représentante de plusieurs laboratoires pharmaceutiques. Quand le rideau de fer est enfin tombé, elle a pu marcher dans Paris sur les traces de Kundera, voyager en Europe et même à New York. Aujourd'hui à la retraite, Ilona n'en est pas moins active. Quand elle ne s'occupe pas de ses chats et de ses deux chevaux, elle participe à l'organisation de festivals de théâtre et, francophilie oblige, fréquente l'Alliance française. 

Ilona reviendra à Bordeaux en 2024, vers Pâques puis en septembre mais, auparavant, comme nous sommes devenus amis, nous retournerons, ma compagne et moi, dans la ville du pont-Charles et de la Vltava, rivière à laquelle Smetana consacra un célèbre poème symphonique. De déambulation en déambulation avec Ilona dans [cette petite mère qui a des griffes]*, nous croiserons peut-être le fantôme goguenard de Bohumil Hrabal.  Sans doute nous dira-t-il que la solitude est trop bruyante**, autour d'un vin de Bohème que nous laisserons glisser lentement le long des flûtes avant d'en savourer toutes les joies. 

*mots de Kafka sur Prague

**allusion au roman Une trop bruyante solitude

Photo d'une gravure qu'Ilona nous a offerte

2 commentaires:

  1. Une amie généreuse et libre, une femme belle, pleine de talents et de vitalité. On ne peut vraiment que l'aimer. Le mois d'avril sera chouette !

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  2. Simonne, Bernard Pommier approuvent toutes ces louanges.

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