La philosophie morale et politique de Vladimir Jankélévitch est difficile. Son je-ne-sais-quoi livre implicitement un je-sais-un-peu-quelque-chose. Son presque-rien, de même, insinue souvent un presque-ça. Elle apparaît comme paradoxale car elle s'intéresse à ce qui se trouve aux abords des concepts sans en dédaigner le centre. Là où des tuilages peuvent opérer, brouillant le sens et l'éclairant tout à la fois, dans l'instant où on le saisit. Fragmentairement. La vérité n'est jamais complète. La pureté n'est jamais totalement pure de la même façon qu'un cheval blanc n'est jamais tout à fait blanc quand notre volonté s'exerce à le mieux regarder.
Cynthia Fleury, auteure rappelons-le du magnifique Ci-git l'amer, accompagne humblement dans Un été avec Jankélévitch ce penseur reconnu sur le tard et qui s'engagea dans La Résistance après avoir été déchu de sa dignité humaine par le régime de Vichy puisque Juif.
A propos des "ismes" et du je-ne-sais-quoi :
"Maintenant, il n'y a plus de place en France que pour les troupeaux : marxistes, catholiques, existentialistes. Et je ne suis d'aucune paroisse... De tous les conformismes, le conformisme du non-conformisme est le plus hypocrite et le plus répandu aujourd'hui.
Commentaire de Cynthia Fleury : "Pour contrer ces "ismes", il a façonné une philosophie du je-ne-sais-quoi, qui venait destituer la fausse grandeur des dogmes, des idéologies, des totalitarismes ambiants."
A propos du "primultime" :
"Jamais il n'y aura dans toute l'éternité un autre matin dans lequel nous sommes l'un devant l'autre. Moi avec une cravate comme ci, vous, une cravate comme ça, avec la même qualité de ciel, le même ciel gris, les mêmes températures, les mêmes amis autour de nous. Jamais tout cela n'arrivera une autre fois, donc l'irréversible est à tout moment, seulement il est inaperçu."
Commentaire de Cynthia Fleury : " Le primultime, c'est le premier et le dernier instants confondus. Il exprime la vérité de l'instant, la vérité du temps, de l'irréversibilité du temps, la vérité tout simplement de la vie, comme si celle-ci était faite de centaines de milliers de vies qui vivent un instant, et disparaissent, laissant place à de nouveaux instants à vivre. La vie n'est qu'une série d'occasions à saisir. Ils ont besoin de notre engagement pour faire vibrer la divinité qui est en eux."
A propos de la nostalgie :
"La vraie nostalgie, c'est la nostalgie d'un endroit absolument quelconque, où j'ai débuté comme professeur par exemple, eh bien, c'est à ce moment-là que j'ai le coeur serré."
Commentaire de Cynthia Fleury : "Il n'est pas nécessaire d'avoir vécu quelque chose pour être nostalgique. La nostalgie c'est le non-consentement à l'irréversible, au temps qui passe, et non à une époque merveilleuse qui ne serait plus.
Un été avec Jankélévitch de Cynthia Fleury est publié conjointement par France Inter et les éditions des Equateurs. Il coûte 14 €.
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