vendredi 9 février 2024

Gilles Deleuze, La chair selon Delacroix


"Comment atteindre à cette vivacité qui exprime le rapport des couleurs entre elles ? Comment conquérir les tons vifs puisque seuls les tons vifs expriment le rapport de la couleur avec la couleur ?... Grand moment de Delacroix. Qu'est-ce qu'on voit techniquement chez Delacroix... ? On voit quelque chose de très curieux. La couleur sombre du fond subsiste souvent et longtemps. Elle est déjà pleinement couleur, mais c'est la couleur sombre. Mais chez Delacroix, on saisit sur le vif. Comment arracher à cette couleur sombre les tons les plus vifs ? C'est un moment important. Delacroix invente un procédé qui sera repéré comme tel déjà de son vivant... Ce sera le procédé dit des hachures. Il va littéralement hacher sa couleur sombre...de hachures vertes, de hachures rouges. C'est au niveau des hachures que la couleur va conquérir ses rapports vifs de tons vifs. Un des plus grands moments de Delacroix : "Donnez-moi la boue des rues et j'en ferai de la chair de femme d'une teinte délicieuse"

Le déploiement des tons vifs et des rapports entre tons vifs qui, d'une certaine manière, n'ont plus besoin du fond sombre d'où la couleur sortait. Tout se passe comme si Delacroix avait encore gardé le fond sombre mais pour amener le moment où on n'en aurait plus besoin."

J'aime beaucoup cette idée d'arrachement de la couleur à l'obscurité. Là est le chaos-germe de Deleuze. Cette volonté dans l'acte pré-pictural de féconder  le chaos immanent à la toile comme à la page. Et la phrase de Delacroix vaut son pesant d'or. Accoucher la beauté de la chair à partir de la boue.

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