Pauvres notions de Mimoza Ahmeti interpelle d'emblée le lecteur. Les notions sont floues dans l'expérience de vivre. Leurs contours se perdent au fil des perceptions, des émotions, des sentiments. Mais que signifie leur pauvreté ? Peut-être faut-il la lier à l'ignorance fondamentale de l'humain qui le conduit sans cesse à réinterroger la pensée première, dans l'éprouvé des jours. Ainsi, parfois, les notions tantôt jointes et tantôt disjointes deviennent des concepts. C'est là tout un travail de la volonté agissante.
Mimoza Ahmeti se révèle donc autant philosophe que poète. Son texte La chose contient et déborde toutes les interrogations de l'auteure. Dans toute chose et autour d'elle, en sa substance et en son essence, s'expriment aussi bien le besoin que le désir. Une beauté, qui sait, advient, traversante "comme la passion du silence". Mais dans le dénuement de la pauvreté inaugurale. Où s'exercent l'esprit et la main depuis les commencements.
Qu'en est-il alors de la Matière mystérieuse ? Est-elle animée par un souffle majuscule, qui lui préexisterait ? Adepte de l'oxymore, Mimoza Ahmeti considère le saisissement des corps par les corps, pour aimer et pour tuer, comme "un amusement sanguinaire". Puis elle dit cela, qui résonne longtemps : "regarde dans mon visage". Le visage, selon Lévinas, est ce qui apparaît en premier de l'homme. Mais il est ici sans signe ni trace ni mémoire. Toute interprétation mènerait à des "castrations" des sens, à une dépossession de l'infini.
Alors que l'esprit est "si lourd". Les tumultes ancestraux qui le taraudent accouchent de "figures symboliques... fantomatiques". L'imaginaire s'en ressent et peine à [tricoter le langage]. L'un des plus longs déplis de l'ensemble, Des étoiles dans la bourbe existentielle, offre peut-être une issue à cet empêchement. Une issue mythologique. La bourbe, voire la fange, y est propice, le "pauvre ciel humain" aussi. Les étoiles anthropomorphes accèdent à la puissance divine avec "leurs bras métalliques" et "leurs épaules de bronze". "Terriblement jeunes", elles ressuscitent l'ancienne très ancienne forge des métamorphoses où le grand combat de l'amour et de la mort [ravive les âmes exténuées]. Est-ce à dire que la lumière enfin se révèle à l'homme dans le creuset de l'Histoire majuscule ? Y a-t-il un dessein et un destin pour les âmes ? Qui serait pré écrit ? Pour gagner la pureté et la vertu ?
Mimoza Ahmeti pose toutes ces questions suffoquées parce que personne ne peut y répondre. Dans l'inextricable écheveau de l'inconnaissable, il y a ce que l'on sait ne pas savoir et ce que l'on ne sait pas ne pas savoir. "Moi je baise mes manques et deviens immortelle... Sur mes propres faiblesses j'appose un baiser..." S'exprime là un peu de sagesse, favorable à quelques touches d'humour, de dérision où affleure souvent le non-dit fataliste qu'on retrouve souvent sous les plumes de l'Europe centrale. Mimoza Ahmeti est albanaise et l'Albanie était jusqu'en 1991 l'une des plus grandes forteresses vides de la planète. Alors, même pour dire la gravité, certains titres se font légers. Quel âne tu es, ça va sans dire ; L'aéroport du cœur ; Je suis fou de Campari.
Ah ! Être fou du Campari comme Dalí était fou du chocolat Lanvin ! Il paraît qu'Hemingway en raffolait. Le Campari est un sésame joliment citronné pour trouver son chemin jusque dans le "gigantesque supermarché" qu'est l'Amérique. Avec une pointe d'ironie, ça ne peut pas faire de mal.
Extrait :
La valse de la feuille
Les gens sont un mariage de signes,
qui peuvent vous attirer ou vous laisser impassible.
À moi, ils ne racontent pas grand-chose,
c'est pourquoi j'ai pris le risque de dire...Pauvre de moi...
j'aurais pu vivre, peut-être ai-je vécu,
pendant que j'écrivais...
D'ailleurs,
la trace et mon chemin sont bien différents et lointains...
Les entendements vibrent sous les mots
que la force de la vie unit dans l'Ego,
le secouant, le renforçant, l'atténuant, Oh,
en y trompant l'âme...
L'Ego et moi-même sommes encore loin l'un
de l'autre,
même mon chemin est si loin d'eux...
Le signal que j'émets est vrai ou faux
pour celui qui le saisira...
La grille logique donne à l'un la paix pour donner à l'autre
panique...
Les images de l'ensemble sont de la main de l'auteure. Pauvres notions de Mimoza Ahmeti est publié aux éditions L'Incertain. Il compte 88 pages et coûte 14 €.
This writing is poor and do not present anything of the puisance of perception and inspiration of the collection of Pauvres Notions of Mimoza Ahmeti.
RépondreSupprimerMay be ! But who are you ?
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