samedi 4 mars 2017

Viagem a Porto, 4

Un peu de soleil dans la froidure. Les mouettes rient. Je vais Rua das flores. Au 180, Raquel & Joana Pinheiro me reçoivent dans un café chic et élégant. Rien n'écorche la vue. Le café coûte 70 centimes comme ailleurs et les flans encore tièdes sont excellents. Enfin, ce n'est pas rien, l'anglais qu'ici on parle est à ma portée.

Un détour par la cathédrale de Porto. Austère et écrasante. Le bon Dieu était ici bien gardé. Je pense à Spinoza. Obligé de fuir, de se réfugier à Amsterdam où il vécut de la taille et du polissage de verres optiques.

Visiter ensuite le Centro Português de Fotografia. Las ! Fermé le samedi. Mais je rencontre de belles sculptures dans le Jardim da Cordoaria. Des personnages à la renverse ricanent sur des gradins rouillés, disent l'absurdité du monde, de la condition faite aux hommes. 
Résultat de recherche d'images pour "jardim da cordoaria" Je ne monte pas en haut de la Torre dos Clérigos. Mes mollets ne sont pas à la noce. Porto n'est pas une vaste plaine.

Je vais à la livraria Lello au 144 rua das Carmelitas. Oooh ! Le choc malgré la présence de trois Chinois au centimètre carré. Je me crois dans un roman de Mervyn Peake, Gormenghast. Oooh ! J'achète deux livres en français : 
- Anthologie de la poésie portugaise contemporaine 1935-2000, présentée par Michel Chandeigne et publiée chez Gallimard.
- Dans la librairie la plus belle du monde, Lello. Un petit garçon écrit un livre très spécial et décide de l'apporter à la librairie Lello pour l'offrir à tous les enfants du monde.
Résultat de recherche d'images pour "livraria lello" Puis je rentre dans mon appartement avec mon soufflant ronronnant. Je vais me faire une soupe.
image  jardim da Cordoaria sigarra.up.pt image livraria Lello fr.pinterest.com

vendredi 3 mars 2017

Viagem a Porto, 3

J'entame mon deuxième jour à Porto. Tous les voyages devraient commencer le deuxième jour. Le premier est un brouillon, avec ses hésitations dans les marques, ses repentirs qu'on biffe mal...

Alors que j'écris cet article à la table de la cuisine, un appareil de chauffage portatif ronfle en face de moi. Je ne tiendrais pas sans lui car, et c'est à peine croyable, l'appartement ne dispose d'aucun chauffage. 
Résultat de recherche d'images pour "mini appareils de chauffage d appoint"
Il est bien situé dans la ville, très propre, équipé comme il convient en ustensiles de cuisine mais, de chauffage, que nenni.

No heating / Ninguna calefaccion / Sem aquecimento

Hier, j'ai appelé The Porto concierge qui gère les locations pour les propriétaires. L'anglais de mon interlocutrice étant aussi déplorable que le mien, j'ai dû me faire comprendre en espagnol. C'est ainsi que j'ai mon petit soufflant ronronnant... Pourvu qu'il ne tombe pas en panne...

Lundi, je me rendrai directement au siège de The Porto concierge pour leur dire en face que je ne suis pas content. Je demanderai même un remboursement partiel. J'estime y avoir droit...

Et maintenant, il pleut. Alors que j'envisage de me rendre au supermarché le plus proche vers Trindade. Merci Google. You are a brother for me, you save my life !

Et peut-être que je verrai encore des vitrines façon art nouveau. Et des salons de coiffure avec des fauteuils identiques à ceux dans lesquels je m'asseyais quand j'avais huit ans... L'enfance, partout, me poursuit.

Mais les oiseaux ne sont pas les mêmes qu'au bord de la Charente. Ici, ce sont des mouettes qui cacardent et jaspinent. J'irai leur parler le long du Douro. Elles me diront. Les oiseaux ont toujours su me dire. Je leur fais confiance.Résultat de recherche d'images pour "mouettes à porto"

Image de mon chauffage prise sur cdiscount car je n'arrive pas à importer le mien de mon téléphone sur l'ordi.

Image de mouette, fr.dreamstime.com

mercredi 1 mars 2017

Viagem a Porto, 2

Pluie fine à Bordeaux. Le petit chat est inquiet. Nous allons partir à l'aéroport.

Aire d'embarquement. Grands panneaux pour l'exposition La nature silencieuse. Paysages d'Odilon Redon. Du 9 décembre 2016 au 26 mars 2017 à Bordeaux. 
Un panneau pour Cashvin et le champagne Ayala.
Je n'ai pas vu l'expo Redon et je n'aime pas le champagne Ayala.

S'installer dans l'avion qui va d'abord à Lisbonne. Personne à côté de moi. Tant mieux. Je sors La ballade de l'impossible, ce roman classique de Murakami que je me propose de relire pour me reposer de L'homme révolté de Camus. Et je tombe sur cet incipit :
"J'avais trente-sept ans et je me trouvais à bord d'un Boeing 747. L'énorme appareil descendait à travers de gros nuages chargés de pluie, et s'apprêtait à atterrir à l'aéroport de Hambourg."

Je ne connais pas Hambourg mais je devine déjà que Porto n'est pas Hambourg. Bientôt je saurai pourquoi. 

Glissons sur mes difficultés à suivre les flèches à l'aéroport de Lisbonne pour trouver mon second vol. Glissons sur l'Espagnol en tenue de foot dans l'avion et qui mange une salade composée en se curant le nez avec sa serviette en papier.

Arrivé à Porto, deux dames qui baragouinent anglais s'aperçoivent que je suis lost in translation et me guident. Je les remercie vivement en français qu'elles comprennent un peu. 
Résultat de recherche d'images pour "rua das oliveirinhas porto" Quand j'arrive au 31 rua Oliveirinhas, une grande blonde peroxydée m'attend et son anglais est aussi médiocre que le mien. Mais je suis installé. Et je vais aller musarder rua Formosa et rua santa Catarina.
Dès demain, je me mets au travail.

Mais lequel ?

Image de mon appartement


mardi 28 février 2017

Viagem a Porto, 1

Partir en voyage. Où que ce soit. Ce n'est pas s'apprêter à consommer du paysage comme on consomme des saucisses au supermarché. Ce n'est pas, comme l'écrit Danièle Sallenave dans son beau Passages de l'Est, rendre familier ce qui est étranger mais apprendre à maintenir étranger le familier le plus quotidien.

J'entends souvent cette expression  triviale : " J'ai fait le Portugal, l'an prochain je ferai le Maroc." Faire un voyage comme on fait un puzzle. Mettre bout à bout des morceaux de paysage, transformés en cartes postales ou en galeries de photos sur écran. Cela n'est pas voir. Cela n'est pas éprouver. Je propose une inversion de l'expression : " Le Portugal m'a fait, l'an prochain le Maroc me fera." 

Demain donc, je serai à Porto pour trois semaines, dans un appartement au 31 rua das Oliveirinhas. Je visiterai bien sûr des sites, des musées, des églises. Je n'échappe pas au lot commun du touriste. J'irai peut-être même regarder l'océan Atlantique. Je me laisserai probablement tenter par un poulpe rôti et un cochon de lait dans quelque gargote populaire. Mais je veux sentir. Je veux éprouver. Dans la lenteur. C'est ainsi que des paysages et des regards voudront se montrer à moi. C'est ainsi qu'ils sauront me dire, me raconter. 
Pas autrement.

dimanche 26 février 2017

Hélène Cadou sur mon chemin

l'enclos préserve encore
ce qui reste d'humus
pour féconder le ciel*
Je me souviens des bêtes debout la nuit
Leurs paupières lourdes ouvertes
Au silence de la lune
Qui allait tomber
Des frissons couraient sur ma peau
Equarquillaient mes yeux
Mes mots ne savaient pas désigner les mystères
Ne fécondaient rien de mes solitudes
Je n'imaginais pas l'envol des chevaux
Je manquais aussi de fatigue

*

Résultat de recherche d'images pour "hélène cadou"

la chambre fragile
comme un bol de lait
flotte
au-dessus du fleuve*
L'enfance encore tapie sous la peau du lait
Avec ses souvenirs de chambre froide
Quand le blanc recouvrait la campagne
Egarait les pas des hommes et des bêtes
Je l'entends palpiter dans la marche
Battre à mes tempes ses sonnailles d'église
Ses hurlements cloués sur des échelles
Une fois l'an le jour du cochon
Quand me dépouillera-t-elle des mauvaises rumeurs
Qui terrassent mes mauvais rêves

Avec quelle langue inventer la fuite

*


la vie se déroule ailleurs
tu cueilles le dernier raisin
avant de repousser cette porte*
Quelque chose parfois m'immobilise
Le sang ne passe plus dans les mots
Au loin des silhouettes vont penchées
Aveugles à la trame élimée
Des arbres et du ciel bas
Des oiseaux qui se défont dans l'air
Je voudrais rejoindre le repos de leurs ombres
Egrainer encore des pas de géomètre
Oublier tout ailleurs derrière les portes closes

Pouvoir traverser ce qui me traverse

*Résultat de recherche d'images pour "rené guy cadou"


la nuit
jette sa laine épaisse
sur le dos
des prairies*
La rumeur de la berge s'accorde au silence des ornières
Le sommeil des bêtes grince dans l'étable
Une ombre passe sur la lune
Berce l'enfant qui cherche à grandir
Demain aura-t-il seulement lieu

Si la nuit lui refuse sa porte

*

La lampe cueille le silence
Et fait parure au souvenir.*
La fenêtre assombrit
Le plancher de la chambre
Un grain de plâtre va tomber
Sur les ombres allongées près du lit
Je rassemble ici mes enfances
De berges et de margelles
De courtilières courant sous les humus
De corps figés dans la langue
Mais le cercle de la lampe se défait déjà
Le silence ne tient plus mes mémoires

Les mots ont du sang sur mes lèvres

Image Hélène Cadou editions-brunodoucey.com
Image René Guy Cadou babelio.com

mardi 21 février 2017

Jean-Claude Pirotte sur mon chemin

plus grande est la solitude au passage des grands
oiseaux*
Leurs cris mêmes agrandissent le ciel
Rapetissent la sente où le corps s'étire
Et le silence tombe sur mes épaules
Immobile
Je ne peux rien saisir des ombres entre mes pas
Mon sang a pris le goût du fer dans ma bouche
Il est trop tard
Les draps de la nuit claquent déjà

*

on décèle sous le poème
les traits d'agonie de la terre
le filigrane obscur des rides
sous le grand vent des déserts*
Les mots sont des corps
Avec leur souffle et leur sang
Leur bile noire
On ne peut pas les saisir dans la marche
Sous l'humus qui perle
On demande au poème la permission du chant
Sa mélancolie d'oiseau

On attend que la fatigue ouvre ses portes

*

le paysage est-ce qu'il en vaut la peine ?
c'est juste une petite colline pelée
et elle n'a même pas de nom*
La marche peine parfois à être la marche
Le souffle manque aux chemins de traverse
Plus rien ne luit dans les embrasures
On chercherait vainement l'éclat d'une ramure
Le trille échappé de l'oiseau
On renonce aux remuements sombres de la langue
Qui transfigurent la mémoire des coteaux
Les visages mêmes n'ont plus de nom

*


à Angoulême où je suis roi
d'un coin de ruelle éphémère
le temps passe et ne passe pas*
Des marches anciennes se coulent dans ma marche
La ville avait des pâleurs de chicon
La pluie et le vent tordaient tous les visages
Mon ombre allait au jardin vert
Inventer des jeux d'otarie
Des babils de mousse dans les encoignures
Le temps planait bas sur mes quinze ans

Son bec luisait comme un couteau

*

Résultat de recherche d'images pour "jean-claude pirotte"

image espritsnomades.com

dimanche 19 février 2017

Darwin à Bordeaux, cet espace-là

Darwin à Bordeaux est un grand ensemble de commerces biologiques au circuit court, de jeunes entreprises innovantes dans l'infographie ou le design, d'ateliers divers (apiculture pédagogique, serre maraîchère sous igloo façon Mario Merz, vélos à réparer soi-même...) et de pistes de skateboard.Résultat de recherche d'images pour "darwin bordeaux"
La structure occupe l'ancienne caserne Niel sur la rive droite non loin du parc des Angéliques où le talentueux cirque Romanes a trouvé refuge.
Il fait doux s'y promener quand le soleil prend de l'avance sur le printemps. L'ambiance est calme, sympathique, détendue. Le décor, essentiellement constitué d'objets de récupération, n'offense pas le bon goût. Les buveurs de smoothies aiment se blottir en amoureux dans de vieilles cabines de manèges et s'adonnent à des parties de baby-foot comme dans les estaminets. Vous l'aurez compris, on aime ici la mode vintage des années soixante aux années quatre-vingt... et l'Angleterre de Churchill dont une citation joliment graffitée nous annonce qu'avec de la volonté on peut réussir et qu'il le faut.
Loin de moi l'idée de dire du mal de cet espace Darwin que Marion Cotillard herself honora de sa présence ecofriendly three months ago. Même si, le samedi après-midi, il y a foule à pied à vélo et en trottinette, même si les chalands font longtemps la queue aux caisses de l'épicerie, les pensées flottantes n'y sont pas agacées. Les enfants blonds évitent de crier. Les adolescents assis en rond tiennent de suaves conciliabules. Les chiens eux-mêmes gardent le poil lustré des belles toisons et s'empêchent de japper.
Cependant, incapable de m'abstenir de tout esprit critique, je me pose des questions. Au-delà du louable message écologique et solidaire, comment le modèle économique et social est-il mis en oeuvre ? Il a le mérite de créer des emplois et j'espère que la rentabilité du site permettra de les pérenniser, voire d'en générer de nouveaux. Mais je voudrais connaître le montant du salaire versé à la caissière, au serveur du bar, à l'animateur des ateliers. Je voudrais connaître le taux de rémunération des heures supplémentaires, les garanties inscrites dans les contrats d'embauche. Is it bad to ask that ? A la vérité, je n'aimerais pas que Darwin, so kindly, soit une vitrine du capitalisme déguisé en mamie gâteau. Il en existe. Nous ne l'ignorons pas. La prochaine fois, promis, je mènerai mon enquête. 
En attendant, je retournerai au cirque Romanes. Là, au moins, je suis sûr que le décor ne trompe pas. Et la poésie est toujours au rendez-vous.Résultat de recherche d'images pour "cirque romanes bordeaux"

image Darwin lala-architectes.com
image cirque Romanes rue89bordeaux.com