Voilà revenu le printemps des poètes. C'est une bonne nouvelle à célébrer entre les pages et le vin. Mais, comme les hirondelles sur leur fil, les litanies sur la poésie reviennent aussi sur les langues. Des auteurs, des critiques littéraires, de doctes penseurs en faculté, ardents ou chenus, embouchent sans vergogne la trompette des ukases et j'ai mal aux oreilles. Et je me tapis dans un recoin, suspendu à mon silence.
" La poésie c'est ça. La poésie doit. Le son le son. Le sens le sens. Le ventre plutôt que l'esprit. L'âme plutôt que les tripes. "
Moi, je ne sais pas. Moi, je ne dis rien. Parfois même, je tais ma qualité de gratteur de mots. A quoi bon ? Je pourrais battre le rappel de mes souvenirs d'étudiant improbable, invoquer Blanchot ou Valéry, singer l'intelligence avec Sarraute. Enclin à la moquerie, je tirerais jouissance d'un éminent savant inventé sur le champ et il se trouverait des crânes dégarnis pour opiner, mezza voce, que voilà une autorité incontestable en matière de poésie.
Quel rire gagnerais-je à cette comédie ?
La poésie ne doit rien, c'est moi qui lui dois tout.
- De vivre depuis plus de trente ans avec Brigitte Giraud tous les partages des jours.
- De m'étonner des choses, visibles et invisibles, de les prendre au mot le plus fragile, le plus maladroit.
- De rencontrer parfois des voix dont la gravité ne pèse jamais trop car dépouillée des dogmes qui plomberaient l'envol.
- De garder un désespoir assez transparent pour entrevoir les trouées où me faufiler.
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