Au prochain arrêt de Hiro Arikawa est un roman dont la légèreté apaise le lecteur. Il se déroule dans des trains qui partent de Takarazuka et vont jusqu'à Nishinomiya-kitaguchi. Puis ils reviennent. Comme le balancier d'une horloge. À chaque arrêt entre les deux gares, des voyageurs montent et d'autres descendent. Parfois, ils se parlent.
Le jeune Masashi rencontre la jeune Yuki qui fréquente la même bibliothèque que lui et a les mêmes goûts. "Une succession de hasards étranges, comme dans un jeu de Jenga*, qu'il était apparemment le seul à percevoir".
Shӧko, guère plus âgée, monte dans le train vêtue d'une superbe robe blanche qui pourrait laisser croire qu'elle vient de se marier. La vérité est plus cruelle... Et puis, hein, une mariée dans tous ses atours mais sans sa suite, elle n'aurait pas idée.
À Sakasegawa, apparaît Tokié avec sa petite-fille. Elle est veuve d'un mari qui redoutait fort les chiens depuis qu'un mâtin l'avait mordu aux fesses dans un contexte des plus délicats. Un peu excentrique mais douée d'un caractère généreux, elle parle avec Shӧko et lui donne un étonnant conseil en s'excusant d'être une "vieille curieuse irresponsable".
Lorsque la dame en blanc descend du train, une dispute éclate entre Misa et katsuya qui donne des coups de pieds dans la porte du wagon. Un malotru enclin à la violence, qui ne supporte pas qu'une femme le contredise. Des épousailles sont pourtant prévues, de mauvais augure. Tokié ne s'y trompe pas : "Et si vous disiez stop ? Parce que vous allez souffrir".
D'autres personnages défilent, dont une groupe de femmes de quarante ans, bruyantes et sans gêne. Elles vont manger dans un restaurant hors de prix, portent des habits et des sacs à main hors de prix. Quelqu'un murmure : "Grandes marques, petites manières..." Il n'est pas impossible que la situation dégénère, surtout si Tokié s'en mêle...
Le paysage aperçu depuis le train est également un personnage. Sur une bande de sable au milieu de la rivière Mukogawa, des pierres alignées tracent le caractère "Vie" et suscitent bien des commentaires. À Mondo Yakujin, cinq hélicoptères en suspens dans le ciel estival interpellent Kei'ichi et Miharu. Y a-t-il eu un accident ? Ou s'agit-il d'un exercice militaire ? Plus loin, un torii apparaît sur le toit d'un bâtiment blanc. Le rouge du portique et la blancheur de l'immeuble, ah la belle image ! Idéale qui sait, pour un rapprochement amoureux... De même que celle, dans un contrebas très pentu, des fougères aigles dont on déguste au printemps les jeunes pousses. Mais le paysage le plus surprenant se trouve à Obayashi, que le lecteur découvre en suivant Shӧko qui veut absolument se séparer de sa robe à cent mille yens*. La contrée est un paradis offert aux hirondelles dont les nids sont protégés. "Partout, des hirondelles voletaient devant les petites échoppes. Partout, elle vit des nids".
Le roman rend également compte de la situation des lycéens et des étudiants dans le Japon contemporain. Etsuko, élève de niveau moyen en terminale, travaille dur dans son centre de préparation aux examens. Les cours sont évidemment payants. Et il faut envisager plusieurs options en cas d'échec. "Si elle réussissait l'examen d'entrée à son plan B, il faudrait payer les frais d'inscription afin de garantir sa place, soit quelques centaines de milliers de yens pour une université à cursus court, et près d'un million pour une université où les études duraient quatre ans. Et si elle réussissait ensuite l'examen d'entrée de celle qui était un peu au-dessus de son niveau, cette somme aurait été dépensée pour rien". Compétition-sélection-argent, cet infernal trio.
Au prochain arrêt est un roman construit comme une série de ricochets dont les rebonds n'en finissent pas de se croiser et le lecteur ne perd jamais la mémoire des nombreux personnages. Une vraie prouesse qui émeut autant qu'elle amuse.
Traduit du japonais par Sophie Refle, il est publié chez Actes Sud dans la collection Babel et coûte 7,90 €.
Jeu de Jenga : les joueurs retirent progressivement les pièces d'une tour pour les replacer à son sommet jusqu'à ce qu'elle finisse par perdre l'équilibre.
Yen : un million de yens équivaut à 6075 euros. Selon le site studyinjapan, le total moyen des frais d'admission et de scolarité de la première année dans une université publique est d'environ 930 000 yens. Dans une université privée, sauf en médecine, dentisterie et pharmacie, le montant dépasse le million de yens... Sachant que l'école est payante dès le primaire et qu'il faut prendre des cours supplémentaire également payants, mieux vaut avoir de quoi...
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