J'ai pleinement conscience que mon propos suscitera çà et là quelques froncements de sourcils y compris dans mon entourage... Le président de la République n'est certes pas le mieux placé pour siffler la fin de la récréation consumériste mais il n'en est pas moins vrai que la surabondance dans les pays dits prospères condamne à moyen terme l'humanité entière.
Une image me vient alors que j'écris : celle du désert d'Atacama au Chili où pourrissent au soleil les surplus de vêtements des marques à bas coût. Cette surabondance relève surtout de la responsabilité des grandes fortunes (jets privés, grosses berlines à gogo, terrains de golf et de tennis...) et des industriels qui manipulent si bien la pulsion d'achat pour écouler leurs stocks via le maillage serré de la distribution. Le troupeau borgne des consommateurs a cependant aussi sa part de responsabilité.
Gaspillage mortifère à tous les étages de l'abrutissement. Débauches d'écrans plats, d'ordinateurs, de smartphones, de jeux vidéo, tout ça dépassé avant même la date de l'obsolescence programmée because y'a un nouveau modèle encore plus great, encore plus giga rapide. Et tant pis si cette quincaille finit dans des dépotoirs en Inde où des mômes affamés cherchent des restes de métaux précieux. Débauche de voitures itou, de plus en plus souvent deux par foyer sans justification par les nécessités du travail, et faut qu'elle soit fessue la bagnole, et qu'elle rutile en sus, pour l'épate, on n'est pas moins qu'les autres, hein ! Et si, quitte à s'endetter, on accède à la pistoche au fond du jardin, (3 200 000 en avril 2022 selon la Fédération des Professionnels de la Piscine), on a vite fait de s'croire au-d'ssus de la mare aux canards. Enfin, sujet délicat, celui des armoires à linge. Pourquoi 15 pantalons sur une étagère quand 6 suffiraient amplement ? Pourquoi 20 robes sur des cintres quand avec la moitié on a de quoi se nipper en toute saison ? Pourquoi toutes ces godasses nikées qui filent des ampoules sous les arpions ?
Entendons-nous bien ou essayons. Il serait infécond de stigmatiser le propriétaire de SUV à cinq mille balles par mois comme la meuf smicarde accro à son dressing. Et je reconnais qu'une piscine au fond du jardin, c'est agréable en juillet de s'y esbaudir. De même, j'éviterai de trop railler le tourisme de masse auquel j'ai moi-même participé quoique modestement. Cependant l'urgence est là. Les vingtenaires et les trentenaires, plus crédibles que notre président adepte du greenwashing, sont de plus en plus nombreux à tirer la sonnette d'alarme : Générez moins de déchets ! Privilégiez les circuits courts de l'économie solidaire ! Voyagez moins loin en avion et choisissez le train si possible ! Mangez moins de viande et de produits gras ! Bref, dépensez moins et mieux pour sauver ce qui peut encore l'être du climat et de la biodiversité.
L'actuelle crise économique et financière dans les secteurs de l'énergie, des matières premières et du transport des marchandises leur donne mille fois raison. Le système capitaliste doit être entièrement refondé mais les consommateurs, nolens volens, en sont aussi les acteurs au nom de l'immédiateté du plaisir. Leur demander des sacrifices, surtout quand on pense aux plus pauvres, engendre des ires légitimes contre la caste des profiteurs. Il serait plus pertinent de les accompagner vers la fin de "la servitude involontaire". Dès le plus jeune âge. Il faudrait pour cela une volonté politique affranchie des lobbys industriels et une volonté ferme des familles. Mais n'est-ce pas trop tard quand les forêts européennes s'embrasent de plus en plus tôt sous l'effet des canicules, avec en perspective des inondations automnales impossibles à contenir ?
De même, il est trop tard pour lancer un plan Marshall mondial à destination des continents les plus démunis, sous mandat onusien doté d'un vrai pouvoir d'ingérence dans le marigot des corruptions. Lequel, si par miracle il était acté, ne produirait ses premiers effets durables qu'à l'horizon 2035. Un voeu pieux, de toute évidence mais, comme le rappelle Jean-Claude Ameisen dans Les chants mêlés de la Terre et de l'Humanité, il ne peut y avoir de transition écologique sans un soutien massif aux populations les plus carencées de la planète, dans les métropoles comme dans les hameaux, urbi et orbi. Des centaines de milliards seraient immédiatement disponibles si la volonté politique en décidait. Nul doute que les fonds d'investissements sauraient y trouver leur compte dans le cadre de Partenariats-Public-Privé sous contrôle parlementaire et ils gagneraient de surcroît un peu de vertu. Alors, une fois terrassées la faim et la soif, le discours sur la nécessité de la frugalité serait audible et partagé par le plus grand nombre, indépendamment des idéologies délétères d'où qu'elles viennent. Et, peut-être, la Méditerranée cesserait de nourrir ses poissons avec des cadavres humains.
En attendant que ce rêve devienne réalité, des petits gestes dans la vie quotidienne peuvent s'avérer efficaces s'ils se multiplient tous azimuts.En voici, par exemple, quelques-uns pour économiser l'eau, que j'applique :
- Dans les wc, ne pas tirer la chasse si la petite commission est vraiment petite.
- Sauf en cas de grosses chaleurs, limiter les douches à deux ou trois par semaine.
- Laver ses cheveux sans shampoing une fois sur deux pour économiser le rinçage.
- Réduire le débit du robinet pour laver cuillères, couteaux et fourchettes et laver aussitôt après usage les plats les plus sales.
- Limiter l'arrosage du jardin à un par jour en été et à 5 minutes en privilégiant les plantes en pot.
Cela dit, je n'adopte pas la posture du donneur de leçons, ayant moi-même des progrès à faire dans ma production de déchets plastiques, mais je maintiens mon propos. La frugalité et la décroissance dans certains domaines (industrie automobile, industrie textile, industrie agro-alimentaire...) sont incontournables. Ce sera l'affaire de tous, riches et moins riches, ce sera contraignant et difficile mais là réside une petite chance de salut, la dernière probablement que nous ayons encore. Sinon, ce sera le grand effondrement, irréversible. Et nos enfants, nos petits-enfants en paieront le prix fort. Même nos chats devront verser leur écot.
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