mardi 15 novembre 2022

Philosophie magazine, Réparer la Terre ? (1)

 

L'écologie, tout le monde en parle. Le soir après l'turbin, au bistrot du coin et même le dimanche autour de la poule au pot. Mais les conversations tournent souvent à l'aigre, les vieilles positions politiques se retranchent derrière leurs vieilles lunes et la pensée s'effondre comme un soufflé mal cuit.

Philosophie magazine de novembre 2022 consacre aux maux de notre planète un dossier d'une vingtaine de pages inspirées du courant pragmatiste cher à Bruno Latour. Il est organisé en 3 parties qui représentent 3 tendances, lesquelles ne s'opposent pas dans des a priori idéologiques mais peuvent se compléter au service de l'action ici et maintenant.
1 ) Les nouveaux Prométhée
2 ) Les gardiens du sanctuaire
3 ) Les ravaudeurs

Les nouveaux Prométhée sont disciples de Descartes plutôt que de Heidegger. Ils considèrent que les hommes peuvent "se rendre maîtres et possesseurs de la nature". Alors que le philosophe allemand mettait en garde contre la "conception instrumentale" de la technique qui est une "provocation par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite et accumulée". Et il ajoute : "L'homme suit son chemin à l'extrême bord du précipice, il va vers le point où lui-même ne doit plus être pris que comme fonds". (Autrement dit, exploitable au même titre que l'énergie et la production de biens). Cependant, la géo-ingénierie, loin des discours démiurgiques à la Elon Musk, peut offrir des solutions viables, mais non globales, dont nous ferons l'inventaire dans l'article suivant.

Les gardiens du sanctuaire, proches du courant transcendantaliste incarné par Thoreau (la nature sauvage comme ouverture vers le Grand Tout du monde), s'inspirent des expériences conduites dans les parcs nationaux, celui de la Vanoise en France ou celui de Yelowstone aux Etats-Unis par exemple. Mais s'agit-il de conserver l'existant en maintenant une présence humaine régulée ou bien de "réensauvager" passivement certains espaces, en laissant la nature "se gérer toute seule comme elle l'a fait depuis des millions d'années" ? Nous étudierons ultérieurement les propositions de Cynthia Fleury, laquelle souhaite étendre la protection du milieu  à l'ensemble des fonctions vitales de l'humain, sa psyché notamment. Il n'y a pas, dit-elle, "de soin du climat sans climat de soin".

Les ravaudeurs sont peut-être les plus proches du courant pragmatiste. Alors que les forêts brûlent tout l'été du nord au sud de la planète et que les littoraux subissent une érosion sans précédent, s'agit-il de restaurer les écosystèmes à l'image de ce qu'ils étaient avant les catastrophes ou de proposer une "réhabitation" des lieux ? Marion Waller souhaite que "la restauration écologique amène à s'interroger sur le dépassement de l'opposition traditionnelle entre nature et culture". La mémoire agricole ou industrielle d'un espace ne peut pas être ignorée. L'aménagement de la petite ceinture autour de Paris est un exemple à méditer. Les friches urbaines ont "une portée pédagogique et existentielle : elles viennent rappeler au citadin qu'il y a des zones  où il n'est pas exclu mais où il n'est pas prioritaire non plus."

Nous reviendrons donc sur ces 3 tendances dans les articles suivants. En attendant, vous pouvez vous procurer Philosophie magazine chez votre marchand de journaux pour 6,50 €. Le cahier central qui accompagne ce numéro est un texte de Diderot, Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient. Elle pose l'éternelle dualité de la raison et des sens questionnée par l'expérience.

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