lundi 27 mars 2023

Revue Meteor, numéro 4

La revue Meteor est publiée par les éditions La chouette imprévue. Cette quatrième livraison se déplie sur le thème du vertige avec une invitée de marque qui se démarque : Sandra Lillo. Sous une photo de l'auteure penchée à sa fenêtre, quelques éléments de repères. Cette référence notamment au maître de l'ultra-bref qu'était Raymond Carver. Ce commentaire aussi, sur son écriture : "mélange subtil de fragilité et de force". 

Après avoir publié Les bonbons pleurent au Castor Astral en 2021, Sandra Lillo, veillée par les tendres soins de Valérie Rouzeau, fera bientôt paraître Rosetta chez le même éditeur. 

Dans son récit Rezé - Nantes, le 15 octobre 2022, Antoine Maine raconte l'aller-retour de Paris à Nantes en TGV en compagnie du photographe Benjamin Teissedre. Quelques éléments de leur rencontre avec Sandra Lillo dans son appartement s'ajoutent à la ligne discontinue des espaces et des durées. "TGV. A 11:10, le train roule à 295 km/h et bientôt ce sera 297. Est-ce que le poème peut s'écrire à très grande vitesse ? Je pense à Sandra Lillo à la  table de sa cuisine en train de remâcher les  mots de sa vie. Sandra qui semble si fragile, comme consumée de l'intérieur. A se demander si ce n'est pas le poème qui la dévore ainsi."

Dans la lettre qu'il écrit à la poète, Julien Carré note cela : " La poésie n'a, peut-être, de sens que si elle épuise toutes les images, que si elle roule entre ses doigts (brunis d'ombres, lunulés de lumières) les mots avant de les fumer."

Enfin, dans Les bonbons pleurent et les poupées gueulent, Ramiro Oviedo observe : "Sandra Lillo sait rester discrète, mais elle ne se tait pas, quand les bonbons cessent de pleurer. Sa discrétion est dangereuse, comme un cocktail Molotov".

Trois beaux témoignages dans leur émotion. En les lisant, Sandra Lillo aura peut-être grillé une autre clope et la fumée dans ses yeux aura piqué.



Les pages consacrées au vertige s'ouvrent avec un portfolio de Balthazar Leys.  Défini (ou indéfini) comme "chasseur nomade de paysages, de cabanes cachées, de jardins oubliés et de forêts inquiétantes", il livre également son regard personnel sur les "désordres de la société globale". Ramiro Oviedo décrit l'artiste comme un adolescent qui serait resté en pyjama, accessible à toutes sortes de conversations et naturellement porté vers l'humain. Son engagement, qui n'est pas directement politique, apparaît d'autant plus dans son oeuvre. Loin des sentiers balisés où vont les touristes fantomatiques, ses cabanes sont des lieux pour tous les refuges, tous les souvenirs retrouvés, dans la solitude ou le partage. Et Sébastien Kwiek ajoute : "Le ventre de la cabane est une galaxie qui joue à cache-cache. Un lieu d'étoiles à l'abri des dévorations."

De nombreux poèmes réunis autour du vertige s'ensuivent. Romain Fustier évoque les paysages défaits par les assauts des eaux contre les terres et [les vaches tombent presque dans la mer]. Sylvie Durbec a le Tournis quand "les murs ont tendance à imiter les rideaux". Le monde pourrait s'écrouler. Marlène Tissot imagine une chute sans fin où "le vide est lisse. On glisse, comme la merde dans les boyaux." Fabien Maréchal tire le cadavre d'un chien mais arrivé au désert, "il ne traîne plus que des os en laisse / ce sont les siens". Dans Eboulis (bribes), Emilie Gévart marche au bord de la falaise avec un compagnon et note : "Il pense encore pouvoir réparer. Sauver ce qui reste de nous. Ce reliquat de notre histoire. Je sais qu'il est déjà trop tard. C'est le matin. J'ai 24 ans. Je mourrai. Dans longtemps. Ou bien je saute." En contrepoint, le vertige de Pierre Rosin est plus apaisé : "le roulis de la mer [est] comme un doux vertige  une vibration en harmonie   avec celle des autres".


Extraits :


C'était son habitude

Chaque dimanche matin

avec une allumette

il enlevait

les vertiges qu'il avait dans les oreilles


Il entendait la chemise d'un ange craquer

sur l'étendoir

ainsi que le raclement de gorge

du chien le prévenant

de l'arrivée d'un papillon

entré par la fenêtre


Pour comprendre le monde

il nous faut loucher

En nous voyant doubles

nos yeux révèlent

que nous sommes plusieurs

à remonter des précipices

Nos pieds louchent entre leurs orteils

Le silence trébuche entre deux paroles

qui ne s'arrêtent pas de tomber        (Serge Pey)


J'ai vu glisser le soir sur la cabane et sous les

parasols.

On aurait dit un vieux journal emporté par le

vent,

ou, pareil,

la caresse amoureuse d'un homme qui tombe.


On raconte que les planètes se voient à l'oeil nu

quand on lève la tête vers les horloges et les

étoiles,

du plus loin du ciel au plus près dans nos

veines,

les tiennes et les miennes,

tic tac tic tac

un vertige de poussière suspendue dans l'air

comme une question après l'autre,

qui n'a pas de réponse

pour les vivants.    (Brigitte Giraud)


Sise à Amiens, la revue Meteor coûte 14 €. La qualité est également au rendez-vous dans sa présentation, son papier et le grain des images. Vous pouvez la commander sur le site des éditions La chouette imprévue : www.lachouetteimprevue.com


Je me permets de dire au lecteur que j'ai aussi un texte dans cette quatrième livraison.

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