samedi 29 juillet 2023

Elle dit

Elle dit que son visage n'est pas sûr

La lumière est mauvaise

Aux plis des lèvres

Et ses yeux s'en ressentent

Je la regarde avec mon silence

Où les mots croupissent

Et mes gestes sont des moignons

Elle pleure un peu

Je pleure un peu

Je fouille le ciel où reste un fond de bleu

Je cherche le vol d'un oiseau

Une trouée dans les nuages de papier mâché

Un éclair à foudroyer nos ombres

*

Elle dit que sa voix n'est pas sûre

Son grain épais ne remonte rien

Du marécage au creux du ventre

De la solitude blottie dans le silence

Quand la mère traquait la suie trop noire

Et la neige trop blanche

Quand le père n'était qu'un corps

Prisonnier des vents de sable

Qui le hantaient encore

*

Elle dit que sa mémoire n'est pas sûre

Les souvenirs ont pris des rides

Comme la pomme abandonnée 

Qui a roulé sous la table

J'imagine ce qui s'en va de nos corps trop seuls

Je voudrais que ma main les rattrape

Et qu'ils s'attardent au regard d'un oiseau

D'une fleur coupée dans un col de cygne

Ou d'un petit caillou blanc

Qui aurait gardé toutes nos joies

Je reste longtemps avec ce désir qui me fige

Sans pouvoir lui appartenir

*

Elle dit que notre jardin n'est pas sûr


Des lignes sont à reprendre

Qui accusent la fatigue de l'été

Les ombres glissent mal le long des murs

Les fleurs ont la tête un peu lourde

On ne sait jamais dans quel silence

La solitude va se cacher

Elle me dit de venir voir où sa main

A retouché le désordre

Pour qu'on puisse tenir encore

Le temps qui nous reste

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