L'église penchait sous le poids des fatigues
Et les saints de plâtre piquaient du nez
La morte est entrée sur un chariot
Dont les roues mal huilées
Jouaient un mauvais air
Les fleurs avaient autour du cercueil
Des tremblements de vieux malades
La famille suivait qui était sans visage
Les larmes avaient séché au fond des yeux
Le chagrin prendrait du temps
Pour taveler les regards
Et je suivais aussi à petits pas
Mes mains ne savaient où se mettre
Un jeune prêtre aux cheveux jaunes
Nous a menés à nos bancs culottés de sueurs
Et je me suis demandé ce qu'était ce nous
Une madone dans sa niche a froncé les sourcils
Un angelot sur un tableautin a roté
Ce n'était pas le moment ce n'était pas le lieu
Des philosophies à tiroirs et sans fond
Alors j'ai regardé les dos devant moi
Apprêtés à l'hommage pour la morte
Je les ai imaginés nus et parlants
Les frissons disent bien les joies minuscules
Quand la vie se porte vers la vie
Et envoie promener les embarras
Mais le prêtre a interrompu mes fantaisies
Avec une chanson populaire
Sur un tourne-disque des années soixante
Et ça grésillait dans mes oreilles
Puis après une première prière
Dont le son lui aussi était peu sûr
Dans la lumière froide qui tombait des vitraux
L'existence de la morte a été passée au ripolin
Epouse dévouée mère dévouée
Voisine dévouée chrétienne dévouée
Dévouement sur la terre et dévotion pour le ciel
Quelques idioties me sont venues
Comme dans un roman de Marcel Aymé
Le christ descendait de la voûte en rappel
Et des nuées de putti voletaient à ses entours
Cependant que montait depuis les dalles
L'odeur d'aisselle de la sainteté
Un éternuement dans une stalle
Où n'allaient plus que des égarés
A coupé court à mes sottises
J'ai écouté les paraboles de l'homélie
Qui parlaient de l'amour et des astres
J'ai entendu le mot faute
J'ai entendu le mot oubli
J'ai entendu le mot pardon
On aurait dit le mouvement déréglé
D'un jeu de billes ayant trop servi
Le boulard de la faute bardé de rouille
Faisait tout un charivari sous les crânes
Le pardon en plastique n'était pas de taille
Et s'épuisait dans son grand combat
Avec l'oubli qui refusait l'oubli
Puis on s'est levés pour un dernier signe
Devant le cercueil où les fleurs ne tremblaient plus
Le prêtre a recausé de l'amour et des astres
Ses cheveux jaunes ressemblaient à un soleil
Au milieu d'un champ de bataille
Et j'ai souri sans perdre de vue le dos
Qui me précédait en trottinant
C'était un dos tendu de vert bouteille
Avec deux ou trois plis verticaux
Parfaitement repassés et tranquilles
Rien de fâcheux ne pouvait m'arriver
Il n'y avait pas de raisons non vraiment aucune
Où les aurait-on trouvées
La famille cheminait vers la morte
Dans la paix cotonneuse de l'encens
L'angelot du tableautin a joué du flageolet
Et la musique était jolie
Quand ma main a touché le cercueil
Les astres de l'amour
N'ont pas viré au calembour
Un peu de froid m'a saisi la gorge
Une rose a pâli dans sa gerbe
Je me suis dépêché de rattraper
Le dos vert bouteille
Une promenade en campagne, un souvenir que l'on suit avec bonheur. Lau Lag
RépondreSupprimerMerci pour votre lecture.
SupprimerPuisqu'il n'y a plus rien à attendre
RépondreSupprimerdu combat des heures et de la vie,
on récapitule les heures perdues
de la bataille quand on a fait son temps:
il n'y aura ni vainqueur ni vaincu
( comme ça tout le monde est content).
L'heure a sonné
( bien avant les cloches de l'église),
et celui qui monte en tribune
énonce d'un ton contrit
les paroles apprises,
tirées de la soutane
et du missel.
On dira faute, pardon, oubli
et autres sentences
dans les fumées d'encens :
que dire de plus ?
Qu'il est des nôtres ?
Qu'il a vécu comme les autres,
et qu'il était bien gentil...
on ne va pas traiter de flemmard
notre bon apôtre
en ce moment tragique
où il repose sous un lit de roses.
Les angelots se marrent
et de la statue de plâtre
un sourire oblique,
pendant qu'elle désigne la sortie...
Le prêtre ayant accompli sa mission
des plus catholiques,
on peut donner cours à son émotion
emporter le catafalque
pour clore l'oraison.
C'est que d'autres familles
attendent devant la porte :
à chacun son tour,
à chacun sa morte,
chacun ses malheurs,
Dieu est un grand organisateur ! .
Pas d'embouteillage
pour un dernier voyage !
Emportez donc vos prières,
distribuez-les avec amour,
dans le cimetière
pendant le mise en terre,
les regrets éternels
vous feront garder une place au ciel.
Bien sûr ce n'est pas au même endroit
… pour faire ce que de droit !...
RC