lundi 28 août 2023

Puis le silence a pesé davantage

Puis le silence a pesé davantage

nous avons regardé le fourgon partir

pendant que les hommes aux cordes

rangeaient leurs sacs de chantier

et nous sommes partis aussi

sans nous retourner

j'ai écouté mes semelles elles avaient des dents

concasser les gravillons et mordre les tessons

j'ai vu un caveau de famille propre devant et

sale derrière

un pigeon finissait d'y pourrir parmi des larves

le propre et le sale le pur et l'impur

cette part impossible à faire

et pourtant on s'obstine

j'ai regardé quelques visages

leurs traits recomposaient les arêtes des nez

on ne sait pas assez que les nez parlent

en troussant la lumière

vers le front ou le cou

pour dire qu'ils restent maîtres des ombres

ils s'imposent au visage

contre ses biais faux fuyants travers et coulisses

puis soudain le réel a ses fracas

une détonation quelque part mais où

quel orage disait-elle sous un hangar

ou le fond d'une cour

y avait-il devant les grilles du cimetière

un forcené qui et qui et qui qui

simple folie du hasard

ou règlement de compte avec la morte

quelque chose a remué dans mon estomac

un grommellement de son ventre à elle

une chimère dormante et ses lianes

dans ma gorge et sous ma voix

mon corps s'est dépêché vers la sortie

la lumière y était moins grise

les gravillons plus clairs

quelques enfants piaffaient autour des voitures

et ma peau avait des impatiences

les soeurs trouvaient encore à dire

leurs mots s'étiraient accordéons perpétuels

dans les fumées du tabac blond

et les derniers reniflements

quelques pies s'agaçant

ont enfin donné le signal du départ

le ballet des berlines a repris son branle

le paysage s'est déroulé sans accrocs

fondu enchaîné de gris souris

et de vert pilé ça faisait des paillettes

j'ai demandé si quelqu'un savait pour la détonation

la chasse était-elle ouverte

dans les combes et les halliers

un dos a frémi un nez s'est plissé

c'est moi qui détonnait à l'étroit

mes jambes et mes bras où les mettre

ma tête où la poser avec son vrac

j'ai regardé la route dans le rétroviseur

ses ondulations tremblantes

ses plats trompeurs

ses accotements fragiles

et je me suis imaginé sur un vélo

à essayer de rattraper mon double dans la voiture

comme un enfant courant et courant encore

après ce qui lui manque

1 commentaire:

  1. Devant le temps qui s’efface un autre temps se présage avec ses humeurs.

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