Le livre est composé de deux mouvements, Terre levante et Ambre, adressés à sa fille avant sa naissance puis après. Maxence Amiel lui dit que les joies et les tristesses ne sont pas des mondes disjoints mais que, sans cesse maillées l'une à l'autre, elles accouchent du futur autant que du présent. Même si des heures très sombres menacent l'humanité, avec "des mourants sur un terrain de chasse", il ne faudra pas s'avouer vaincu mais puiser dans les blessures un nouveau souffle vital. Pour "rebâtir des signaux efficaces / plus contre / plus pour / en lisière". Avec cette déclaration d'amour simple et vibrant de tendresse à l'enfant ayant grandi : "il y aura nos souffles qui forment nos nuages, nos sourires nos frontières et tes rêves pour les outrepasser".
Le deuxième mouvement du texte, Ambre, confie son ouverture à Merleau-Ponty en quête d'un langage idéal qui "nous délivrerait de lui-même en nous livrant aux choses". Les déplis y sont souvent plus longs, tirant vers la prose, ou brefs comme des copeaux. La fille de l'auteur est née. L'angoisse de la perte est déjà là, à combattre absolument y compris quand on trébuche. Il faudra résister en se tenant la main, sans se bercer de récits trompeurs et "permettre à tes petits pas d'être les grands qui nous feront relever la tête". Il y aura sur le chemin "le témoignage d'une rose", la banalité de l'eau sur "les murs des villages", le "rire des épines qui chatouillent sous le sapin". C'est ainsi, loin des faux-semblants de la langue et de l'incertitude du poème, en acceptant de ne pas tout comprendre des trames ordinaires, que peuvent apparaître des visages. Celui de la fille aimée quand elle découvre "la lune posée sur le plein jour". Celui d'un crâne même s'il n'est pas beau. Celui d'un "sourire dans le vol des pierres" lorsque les baisers nous soignent.
Par la fenêtre tardive est le cinquième livre de Maxence Amiel. Il touche le lecteur par la profondeur de sa maturité et de sa lucidité. Il s'attache aux petits pas et aux petits riens qui donnent de la substance au réel, à la façon parfois de Jean-Baptiste Pédini également jeune père de famille et nous aimons cette fragilité obstinée. Pas après pas.
Extraits :
Je voudrais savoir dire
le mot qui sauve.
La lettre qui rassure.
La phrase.
Mais chaque signe que je trace
est un nouveau trou que je creuse
comme à mains nues
pour y planter une fleur.
Que dois-je faire alors
du petit tas de terre qui reste ?
*
Rester.
Notre seul métier
ici.
Nous tenir au chaud
dans les chemins rescapés.
*
C'est te trouver qui dessinait ma route.
Cette seule intrusion dans la demeure obscure
une route droite, longue et tranchante.
te trouver
engageait le risque.
*
il ne fait pas nuit
il ne fait jamais nuit
il ne peut pas faire nuit quand je regarde
par la fenêtre tardive
et toi qui portes ma main comme un calice
à tes lèvres d'enfant
enfant que tu restes avant l'arrivée
ce sera ton chemin, la nuit, peut-être,
à cause de moi ou parce que mon départ
plus tard, peut-être la nuit ton chemin
Par la fenêtre tardive de Maxence Amiel est publié aux éditions Aux cailloux des chemins. Il coûte 12 €.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire