mardi 24 octobre 2023

Pierre Gondran dit Remoux, Les arbres indéfendables

 Pierre Gondran dit Remoux retrouve dans Les arbres indéfendables son enfance au coeur du Limousin, là où on parlait encore, à la fin des années 1970, la langue d'or. "Dans cette prose modeste, les souvenirs sont parfois fictifs et les inventions bien ancrées dans ma mémoire...", m'écrit-il. Et le Limousin de l'auteur entre en résonances avec la Charente du chroniqueur.

La résonance du chignon de la grand-mère : "...pieds nus, ma grand-mère refaisait son chignon de cendre et ses longs cheveux jamais coupés semblaient tout étonnés d'être libérés ce matin d'avant les guêpes - soudain la durée s'était faite étendue..."

Celle des aspics dans des bocaux : "...où nageaient les vipères et les couleuvres gonflées de formol - oeil protubérant derrière la loupe de la courbure du verre..."

Celle aussi de la trépanation : "...la plaie a fait abcès qui a mangé les osselets de l'enfant (même enclume aura fondu) abcès qu'il a fallu évacuer d'urgence par l'opération entrée dans la saga familiale sous le nom de "trépanation-au-coin-de-la-table-de-cuisine". 

Mais quel secret détiennent les arbres indéfendables ? Pierre Gondran dit Remoux évoque une arrière-grand-tante "tellement ridée comme une vieille Japonaise qui serait habillée d'un noir calligraphique". En son potager, son poulailler, son clapier, et le sombre est mis tout du long des jours, sur les habits et la mélancolie. L'auteur, dans une prose qui bouscule l'émotion, émaillée de questions et d'apartés,  se souvient des graines que l'aïeule gardait dans du papier journal et du broc en porcelaine ébréché dont "l'odeur acide" se mêlait à "l'odeur d'elle en sa pièce intime". Elle qui disait préférer les taillis aux arbres, assise sur le seuil de sa "maison mains brunes". Puis se taisait, "sa tête de lune rousse" penchée sur l'inavouable des souvenirs ensevelis dans le potager.

L'écriture de Pierre Gondran dit Remoux, on le constate notamment quand il ressuscite la sensation de son doigt posé sur la blessure du broc, (Proust aurait aimé ce passage parmi d'autres), est celle du [véritable peintre qui, outre peindre la feuille, peint le vent qui l'agite]. Même le rugueux y est délicat, suspendu comme dans un haïku, et c'est ainsi  que je l'aime, les yeux voilés par la chevelure à peigner de ma grand-mère.

Les arbres indéfendables de Pierre Gondran dit Remoux est publié aux éditions Le pas de L'homme dans leur collection Ficelles. (Les ficelles étaient ces petits ouvrages autrefois colportés de maison en maison et de foire en foire dans les campagnes.)

L'ouvrage, joliment adorné d'un brin de laine, coûte 9 €.

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