jeudi 28 décembre 2023

Louis-Axel Monlouis Elmin, A l'aquarelle des mers

 

"Au commencement était la mer", écrit Louis-Axel Monlouis Elmin dans son recueil A l'aquarelle des mers. Et ce commencement est un creuset où s'origine  toute la complexion de l'humain, confuse et suffocante. Sans limites ni lois. La langue n'y est qu'un troupeau de tumultes où les mots sont des maux. Ils ont besoin de la mangrove pour prendre racine et se changer en parole majuscule. Qui dira l'errance après les balbutiements et l'ancrage de la mémoire. 

Sur le ton du conte et de l'allégorie, Louis-Axel Monlouis Elmin apprête le chant de son long, très long pèlerinage parmi les genèses [qui fouillent et dépouillent]. L'histoire de l'île avec ses pipirits et ses palétuviers se confond avec les chemins de douleur et de patience des hommes enchaînés. Pour "apaiser les déchirures " quand s'estompe "la folle angoisse de l'outrage". Alors il faut partir, mais où ? Et comment s'alléger de ce qui hante les tréfonds de soi ? "Entre miel et fiel je mesure ma route / une métamorphose s'impose", écrit le poète. Une voix, peut-être, toute maillée de silence, livrera des confidences. Il n'est pas "d'arelle" (de frontière) qui ne se puisse transgresser.

Familier d'Aimé Césaire qui le tenait pour "un naufragé de la Parole", Louis Axel Monlouis Elmin réussit magnifiquement son sauvetage. Avec le Veilleur de Mémoire et le Passeur de Parole. L'écriture est ici un théâtre peuplé de rimes intérieures portées par de multiples figures tutélaires. Pour éclairer l'en-soi dans l'ici et dans l'ailleurs. Et [oser vivre en prenant son ombre à témoin]. 

Extraits :

Parole me parle de l'enfant

qui se dresse en mon aube

sans chaînes et sans métaux

épris des rosées libres des matins

et d'un simple vol de tourterelles

qu'accompagne la lumière du coeur

*

Rude la bataille

dure la pression des mailles

 

Sans boussole je remonte du voile la filière

Revenir à moi était ma fin

 

L'errance ne me poursuivait plus de sa faim

*

Et c'est naissance d'un écart qui hâte la mort

 

Le livre scelle les pages vierges

Les vagues désertent les récifs

Qui se souvient de leurs braises

 

Mangrove s'arroge les lambris de l'ordre

je ne vois plus l'horizon

 

L'exode est porté par l'oeil du cyclone

*

Je revins de la mort comme on sort d'un rêve

le corps sommé d'exister

Un pipirit m'ouvre les yeux

m'exhume

 

Je reconnais ma dépouille

enfile ma repousse

 

Regarder derrière n'est plus d'usage

*

A l'aquarelle  des mers de Louis-Axel Monlouis Elmin est préfacé par Patrick Chamoiseau et publié aux éditions Aux Cailloux des Chemins. Il coûte 14 €.

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