mercredi 27 mars 2024

Tom Saja, Cette main qui tient le feu

Les premiers émois, les premiers vertiges dans le partage ou la malédiction du feu n'ont pas changé depuis le temps des cavernes. Le futur annoncé est aussi un brasier, une débâcle. "Des milliers de siècles plus tard / il bruine / sur le monde en ruines / il pleut / sur le monde en feu", écrit Tom Saja dans Cette main qui tient le feu.

Les mégalopoles, ces cocons trompeurs, ont remplacé les cavernes et il faut les quitter. Il y a urgence. Le temps n'attend pas. Le corps non plus, dont [l'oeil est en vrac et le poumon déforesté]. Mais l'amour est là ; il sauvera du mal. Commence un long voyage à deux dans un décor en déroute qui évoque les grands romans de l'avenir fracassé, (La Terre demeure de George R. Stewart par exemple). Après bien des péripéties dans une guimbarde bambocharde, avec pour unique boussole les "épaules caramel" de l'aimée, un havre enfin se profile. Défini ainsi dans le recueil, sur deux pages :

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Puis, encore :

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Il s'agit d'un lac à flanc de montagne dont l'eau "épouse la terre comme un jour nous épouserons aussi la terre", avec d'infinies patiences pour que l'amour porte des fruits pleins de promesses. Dans l'ardeur des [mains  qui tiennent le feu]. Et Tom Saja, tantôt presque bucolique et tantôt presque trash, de nous livrer une écriture où émotion et humour ont de beaux tutoiements.

Et l'enfant paraît avant que de naître, comme aux premiers souffles du monde, à mille lieues "du monstre aux dents de macadam".  Il cogne du poing dans la matrice alors que des "carpes imaginaires" brouillent la ligne du lac. La vie désormais s'organise à trois, dont il faut avitailler le corps et l'âme. Et l'inquiétude affleure entre les joies ordinaires des gâteaux et du chocolat. "l'amour est dans chaque recoin / la mort dans chaque angle mort". 

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Et, plus tard, l'enfant aura grandi, le désir en lui comme "un dard invisible" portera loin ses regards et ses rêves. Avec toute la mémoire diffuse des ancêtres de ses ancêtres. Et sa main tiendra le feu. 

Cette main qui tient le feu de Tom Saja est un ensemble qu'on peut apparenter au récit et nous en aimons le mouvement qui déplace les lignes, en surface et en profondeur. A la faveur des étincelles que le lecteur ne manquera pas de saisir.

 

Extraits :

 

L'aube s'était drapée d'évidence

les oiseaux se découpaient dans les pointillés de la 

nuit

et les heures baignées de miel coulaient le long de nos

gorges endolories

 

le silence m'a laissé comprendre seul

qu'un matin tu partirais

*

Nous offrions la sueur du jour aux rivières vagabondes

avalions des boîtes de conserve froides

avant de dormir sous la chaude lune

dans le murmure des créatures

*

Chacun avait quitté sa campagne d'enfance

rejoint la digestion de la mégalopole

troqué l'ocre du chemin pour les bris de verre

fientes de pigeons et molards en attente

d'évaporation

 

nos pompes encore parsemées de la poussière d'antan

nos têtes à poux étrangères aux ciseaux d'argent 


L'ouvrage est publié aux éditions Exopotamie dans la collection Eclats avec une superbe huile sur toile en couverture signée Xarli Zurell. Il coûte 17 €.

 

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