La pensée tourne dans la tête comme des habits dans le tambour d'une machine à laver ! Sauf qu'on ne peut pas appuyer sur un bouton pour arrêter le branle qui prend tout le corps. Et voilà que les souvenirs submergent les poumons de "leur marée noire"...
Le personnage de Brigitte Giraud a oublié son prénom. Ses parents ne lui ont pas assez dit qu'il en avait un. Peut-être faut-il en essayer plusieurs, pour voir lequel conviendrait le mieux, comme si c'était un vêtement à suspendre aux fils à linge tendus sur la scène. Wahid ou Mario. Pablo ou Marcel. Ou Jean. Ou Roberto. Non, ça ne va pas, c'est du vent. Plutôt Wahid. Oui, lui. Mais "Qui est Wahid ? C'est moi. Qui est moi ? Qui est-ce que moi, j'attends qui ?"
Questions assourdissantes bientôt recouvertes par "des rumeurs de forêt" et un air d'opéra. Passent et repassent les visages du père et de la mère. Le père, cet "écureuil volant" qui ne sait probablement pas qu'il a un fils. Et la mère, "suicidée un jour de mai près des lilas roses du jardin" quand il avait quatre ans. Ces images-là, brassées sans cesse. Puis le silence qui s'ouvre à d'autres souvenirs. La vie dans un appartement vide à vingt et un ans. Les lettres envoyées à Marie et recopiées dans un grand cahier à vingt-trois. "Je lis ces lettres et c'est ma vie qui surgit, mon passé en haillons, un manteau que j'endosse, là, pour n'entendre rien de plus. Écoutez le silence ! Moi, je suis sourd de mes mains, de mes yeux. Je ne comprends pas cette histoire que je raconte..."
Le personnage rit en pleurant et pleure en riant. Accroche sur les cordes à linge ce qui reste de sa mémoire réinventée : des vêtements et des peluches, "des papiers d'identité avec photo" et un drap blanc. Blanc comme un écran qui révèle autant qu'il cache... Que disent vraiment les lettres à Marie dont il lit quelques fragments ? Quelle est le rôle des petits hasards dans le mystère des rencontres ? "On aurait pu ne pas se voir, mais voilà, c'est comme ça, on s'est vus".
Une lampe braquée sur la machine à laver en dissoudra peut-être deux ou trois flous, si l'histoire existe vraiment, avec ses mots "qui éclatent comme un verre sur le carrelage d'une cuisine". Le lecteur du livre et le spectateur de la pièce composeront chacun leur narration, dans les vertiges du passé enrayé. Avec ce murmure monté des limbes : "Elle est retrouvée, quoi ? L'éternité, c'est la mer allée avec le soleil".
Jean-Claude Meymerit, metteur en scène et interprète de ce monologue à plusieurs voix intérieures, écrit dans sa note d'intention : "Ses pages d'écriture lui servent de vêtements. Elles sont prêtes à être gribouillées par celui qui trouvera le crayon adapté. Pour celles qui sont déjà lacérées et griffonnées de graffitis noirs et rouges, un bon lavage d'oubli sera nécessaire".
La plaquette de Qui je suis moi de Brigitte Giraud est publiée par Les Dossiers d'Aquitaine et sera disponible à la vente les jours du spectacle. Elle coûte 10 €.
La pièce sera jouée au Poquelin théâtre à Bordeaux le samedi 14 décembre à 20 h et le dimanche 15 décembre à 15 h. Entrée 9 €. Sur réservation uniquement. Voici le lien :
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