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Mon blog est celui d'un butineur effaré dans tous les champs du savoir. Et c'est ce même butinage qui m'a conduit à écrire des livres.

mardi 23 septembre 2025

Si on veut on peut, ou si on peut on veut ?


Combien de fois n'avons-nous pas entendu cette formule-là : si on veut, on peut ? La sentence galope sur toutes les ondes et les comptoirs des bistrots. Elle s'adresse aux individus qui, rabâche-t-on, ne se donnent pas les moyens de réussir, manquent d'ambition, renoncent trop vite, ou sont considérés comme d'indécrottables feignasses. Elle cherche à culpabiliser l'immobile, le rêvasseur, l'improductif.

Je fais partie de cette catégorie. Je n'ai jamais beaucoup mouillé la chemise pour accéder à un statut supérieur et la paresse a souvent endormi ma volonté lestée par trop de rêves filandreux. Mais je ne me sens nullement coupable. La formule est trop suspecte. Elle empeste.

Oui, si je l'avais voulu, j'aurais pu apprendre à sauter en parachute car je ne suis pas sujet aux vertiges. De même, si je l'avais voulu, j'aurais pu apprendre le japonais. Je suis assez doué pour les langues étrangères et je les aime. En revanche, même si je l'avais voulu, je n'aurais pas pu devenir agrégé de mathématiques, tout simplement parce que je n'ai jamais rien compris aux nombres. De même, je n'aurais pas pu me convertir en éleveur de mantes religieuses ; j'ai une peur bleue de ces petits animaux globuleux qui hanteraient mes nuits.

Alors j'inverse la formule. Si on peut on veut. On peut vouloir parce qu'on dispose de quelques moyens à mettre en branle. Des moyens physiques et des moyens psychiques. J'ai pu vouloir publier des livres parce que je me savais capable de rédiger et que j'aimais écrire. J'ai pu vouloir apprendre à nager à l'âge de trente ans parce que l'eau ne m'effrayait pas tant et que j'en avais marre de toujours rester au bord des piscines comme un pataud.

Cependant, l'inversion de la formule n'est pas davantage satisfaisante. De nombreux individus peuvent devenir agrégés de mathématiques mais ne le veulent pas. De même, les compétences potentielles pour sauter en parachute ne se traduisent pas si souvent par la volonté de goûter à l'ivresse du vide, etc. Et il faut s'en réjouir. Que signifierait une société  avant tant de cohortes de mathématiciens et de parachutistes ? Ce serait un grand pâtiment que de courber sans cesse l'échine sous le poids des équations et du ciel ! Mes rêves se feraient la malle et je ne saurais pas les rattraper.

Alors, pour sortir de l'impasse, ajoutons un troisième larron à la valse cul par-dessus tête du vouloir et du pouvoir : Le désir ! Ah ! celui-là, on croit le tenir et hop ! aussitôt il est ailleurs, plus obscur que jamais. Il mène les benêts par le bout du nez, ment comme un arracheur dedans et dehors et va jusqu'à tuer la proie qui lui échappe. Imaginons que les cohortes de mathématiciens et de parachutistes soient remplacées par des cohortes d'agents de la Brigade Anti Criminalité et des marathoniens. Même si elles le voulaient, même si elles le pouvaient, elles seraient totalement impuissantes contre lui puisqu'il est le premier à ne pas savoir ni ce qu'il peut ni ce qu'il veut.

Et l'impasse qui nous accule devient une haute muraille sans fondement. Mon entendement se débat comme un vermisseau dans le brouet de la pensée ; quelque chose manque pour assembler deux ou trois idées qui tiendraient un peu debout adossées à quelque chambranle. Quelque chose manque, quelque chose manque manque et la muraille grandit grandit. Que vient faire là ce quatrième larron, le manque ? Avec son visage à trous et ses yeux décavés, ses lèvres tremblantes d'où coule un filet de bave ? Comment pourrait-il se cheviller avec des comparses aussi indécis, troubles, fuyants, intempestifs parfois, veules si souvent ?

Je pose ces questions parce que je sais qu'elles sont sans réponse. Je m'en abstiendrais sinon. Trop peur. Alors, je me dis qu'il faudrait un cinquième larron à mon quadrille. Il y jouerait le trouble-fête. Il raconterait de ces sottises dont on se goberge quand on est très jeune ou très vieux. Mais je ne parviens pas à le détecter. Je réfléchis à une formation de radariste et de sourcier. Radariste pour épier l'horizon et sourcier pour farfouiller dans mes entrailles. Je pense que je peux. Si ma volonté ne musarde pas trop en route, si, si... Voilà tout. 

 

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