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Mon blog est celui d'un butineur effaré dans tous les champs du savoir. Et c'est ce même butinage qui m'a conduit à écrire des livres.

mercredi 15 octobre 2025

Mauvignier, cet émerveillement-là


Il y a une trentaine d'années, le petit plumitif que j'étais fut reçu par Pierre Veilletet et, dans la conversation, j'évoquai en bafouillant Gabriel García Márquez. Il me répondit ceci : "Je ne l'aime pas tellement mais si j'avais écrit ne serait-ce qu'un quart de Cent ans de solitude, je serais content pour le restant de mes jours."

Alors que j'arrive à la moitié de La maison vide de Laurent Mauvignier, je me tiens le même propos lucide. Si je parvenais à écrire un septième de ce roman, soit une centaine de pages, je serais content pour le restant de mes jours. Dès le prologue, j'ai senti poindre le très grand texte. Il appartient à ceux qui ne sont pas dupes des liens secrets qui unissent depuis toujours le vrai et le faux, la réalité et la fiction. Certes, il s'agit-là d'une autopsie de la mémoire familiale de l'auteur au tournant du vingtième siècle puis pendant les guerres mais Mauvignier le dit, là je suis bien obligé d'inventer de faire du roman. La fiction est un être parlant jusque dans l'angle ébréché d'une vieille commode. Elle submerge le réel des corps qui s'épanchent de sueurs et de graillons. Elle submerge les pensées des personnes disparues, leurs désirs tus, leurs illusions de feu de paille. Et puis le style ! Que serait la littérature sans lui ? Monsieur Gustave l'a dit et il faut le redire. Comment une écriture périphérique se rapproche-t-elle, lentement, parfois presque bégayante, toujours avec des suspens dans la mise en page même, de l'objet qu'elle a choisi ? Il n'y a que Mauvignier pour réussir cet envoûtement. Présent dès son premier livre, Loin d'eux. Avec cette lucidité de l'empêchement inhérent à tout acte de création dans le théâtre bancal des représentations. Bref, Je termine ce texte à brûle-pourpoint pour clamer haut et fort, que voilà un très grand écrivain, si grand que c'en est presque dégoûtant pour un mirliton de mon acabit. Si jamais, devenus borgnes et sourds (eh oui, il y a de la musique chez Mauvignier, indépendamment du piano de Marie-Ernestine) les jurés du prix Goncourt ne couronnent pas La maison vide, il faudra les battre comme fientes. Un point c'est tout.

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