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Mon blog est celui d'un butineur effaré dans tous les champs du savoir. Et c'est ce même butinage qui m'a conduit à écrire des livres.

mardi 21 octobre 2025

Une certaine idée du chaos


J'ai repris le cours des marches dans mon quartier de Bacalan et j'ouvre l'œil à tout. Aux trottinettes intempestives, aux reuneurs greffés à leur portable, aux boutiques de la rue Blanqui dont les enseignes en globiche boutent le français hors le sens commun, aux pressés qui ne respectent pas les feux rouges, aux poubelles vomissant sur les trottoirs les ripailles des rancœurs, etc. Parfois je ralentis le pas et je lève les yeux vers les façades des maisons et des immeubles. Je regarde comment s'assemblent les lignes. Certaines, haussées du col à la fin du dix-neuvième siècle, s'adornent de moulures qui signaient une appartenance au dessus du panier. On peut même voir, çà et là, quelques mascarons... 


Aujourd'hui, dans la cour d'un bâtiment où il y avait voilà vingt ans un restaurant couru, j'ai vu trois compositions hétéroclites qui figurent des véhicules. Sont-ce là des sculptures, ou des installations, ou un peu des deux, je ne sais pas. Mais elles me parlent. J'y vois une certaine idée du chaos qui frappe à notre porte. J'y vois la guerre et la ruine. J'y vois le démembrement des carrosseries qui induit le démembrement des corps. La langue même, tant rudoyée, tant balafrée, tant piétinée, n'échappera pas au dépeçage. Et je pense à l'imaginaire du cirque Archaos. C'est en effet l'architecture de l'archaïque qui se défait. Celle qui constitue peut-être l'ontologie de l'humain, dans l'existence comme dans l'essence s'il en est une. Que peut-on en rafistoler avant l'effondrement ? Pour tenir

comment dans les durées qui nous restent ? Que saura-t-on inventer de compatible avec les solitudes après que l'effroi nous aura terrassés ? Retrouverons-nous, enfin, le goût de l'inutile ? Nous aurons besoin de toutes nos volontés réunies. Nous aurons besoin des mains tendues sans arrière-pensées. Nous aurons besoin des rires aussi. De ceux qui dressent les visages contre les lois des puissants. De ceux qui s'offrent aux complicités d'après-boire. Et même les oiseaux en seront émus, pouffant comme nous à s'en battre les plumes.

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