L'inconscient s'exprime dans les champs du politique et du médiatique comme partout ailleurs. C'est une banalité à rappeler car on a, emportés que nous sommes par les flux des déclarations sur tous les supports dès potron-minet, tendance à l'oublier. Voici quelques exemples :
Un ancien prisonnier élargi au bout de vingt jours se compare au capitaine Dreyfus condamné à cinq ans de détention sur l'île du Diable en Guyane puis, enfin réhabilité, combattant à Verdun et sur le Chemin des Dames. Comment ose-t-il ?
Un ami dudit prisonnier déclare que c'est effrayant d'incarcérer des gens comme lui et ajoute : "Nous ne sommes pas des animaux." Comment ose-t-il ?
Le directeur d'un prestigieux journal national dit qu'en France, "il y a trop de ronds-points, trop de médiathèques, et pas assez de policiers". Voilà un homme de culture qui ne semble pas décidé à la partager avec le plus grand nombre. Comment ose-t-il ?
Un célèbre hebdomadaire titre que les milliardaires français se sont appauvris de 11,6 % en 2025 et en conclut quasiment que le pays est menacé d'effondrement. Sachant qu'après ce recul la fortune de ces individus (46) s'élève à 508 milliards de dollars, il y a en effet de quoi sortir nos mouchoirs... Comment cet hebdomadaire ose-t-il ?
Une candidate bien connue à la mairie de Paris en 2026 se fait filmer en tenue d'éboueur et on la voit, dès l'aube, pousser une poubelle sur deux ou trois mètres. Sachant qu'outre-Atlantique un certain président s'est essayé au même sketch, et même s'il ne s'y était pas essayé, comment ose-t-elle ?
De même, que penser de cet homme en colère qui proféra urbi et orbi devant les caméras : "La République c'est moi, mon corps est sacré." Comment a-t-il osé ?
Que penser itou de cette cheffe de groupe, pourtant universitaire, qui fulmine ainsi : "De la rentabilité des agriculteurs, j'en ai rien à péter." ? Comment ose-t-elle ?
Enfin, une dame, dite la première, invective un mouvement féministe en traitant ses membres de "sales connes". Comment ose-t-elle ?
Les perceptions politiques sont traversées par toutes sortes de représentations imaginaires. Elles sont souvent héritées par le maillage des mémoires et des traditions familiales. Elles se construisent à l'adolescence par le biais des rencontres générées à l'intérieur d'un groupe d'appartenance ou suscitées à l'extérieur à la faveur de hasards événementiels, de découvertes culturelles, de voyages... Elles se consolident au cours de la vie active, que l'on soit en position de subordination ou de commandement. Et engendrent des affects qui souvent les figent. Le ressentiment et le mépris s'installent durablement sur les barreaux fragiles de la grande échelle sociale. Du haut vers le bas et du bas vers le haut. En cas de crise majeure, les digues du surmoi cèdent les unes après les autres. Et l'inconscient surgit dans toutes ses violences. La haine menace, qui pourrait tout emporter... Comment osent-ils ? Comment oseront-ils encore ? Jusqu'où ?
Image de Prague, éloquente.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire