mardi 13 juin 2017

Céline Escouteloup, Impromptus de bord de piscine

Résultat de recherche d'images pour "impromptus de bord de piscine"Avec Céline Escouteloup, le mot bikini fait son entrée en poésie. Normal, dira-t-on, puisque son troisième recueil s'appelle Impromptus de bord de piscine. N'allez pas si vite. Lisez d'abord cela : Le bikini directement trempé dans / Le basilic / La tomate / Le thym / L'olive / L'ail / Le laurier / La tapenade / L'essence de lavandier / Le ventre encore tout plein de / Cire sucrée / Caramel / Collé sur la peau / Je rentrai dans l'eau / Pour m'y rincer / Parce que le lendemain / Je devais te retrouver.
Le lecteur comprend vite que ces Impromptus ne sont pas qu'une douce rêverie sous le soleil d'un été peuplé de fleurs et de fruits. La légèreté est là, bien sûr, le plaisir de la baignade aussi. Mais il y a autre chose. " Il ne faudrait pas non plus qu'il y ait trop de soleil / Où nous n'aurions plus de larmes", écrit Céline Escouteloup. Ce livre n'est pas une oeuvre naïve malgré les joies des smoothies et du melon confit. Tant de fragilités, de menues fêlures s'y devinent, en demi-teintes ou presque. Dans cette incertitude-là, du presque à la façon de Jankélévitch. " Après la naissance / Il ne nous reste que la peau", déclare cette poète à peine trentenaire. Voilà bien une énigme qui tait autant qu'elle suggère. Du rapport au corps et au paysage, du rapport au sucré et au salé, au chloré même. Du rapport à l'être aimé et à ses mains de musicien.
Le photographe Jean-Luc Favre propose en écho des fragments de corps à la peau marquée ou gainés de latex, parfois cireux, plus souvent durs que doux. On y voit aussi des portraits de dos ou en déséquilibre qui ne laissent pas indifférent le regard qui s'attarde. 
Textes et images constituent un ensemble singulier que je conseille vivement. Céline Escouteloup n'a pas fini de nous étonner et je m'en réjouis sans réserve.

Extraits :

Dans la fente du volet
Voir à l'extérieur
La piscine éclatante

Penser homme

*

On accroche les hochets pleins de carreaux
De rouge et vert
De chevaux, de rubans
Aux fils à linge
Dans le soleil du matin
Même s'il n'y a plus de bébé
Justement, justement ça

On suspend les cintres en hauteur
Avec les robes, les chemises
Pour qu'elles soient moins froissées

Parfois, ça
Je ne peux pas regarder

*

Impromptus de bord de piscine de Céline Escouteloup est publié par la librairie devenue maison d'éditions La lucarne des Ecrivains. Il coûte 19 euros 90. (Prix justifié par les excellents tirages photographiques). 

photo La lucarne des Ecrivains

jeudi 8 juin 2017

Edgar Morin, Introduction à la pensée complexe

Résultat de recherche d'images pour "introduction a la pensee complexe edgar morin"Je relis avec plaisir et émotion Introduction à la pensée complexe d'Edgar Morin. J'admire la façon humble et joyeuse qu'il a de jongler avec les concepts, passant élégamment de la thermodynamique à Dostoïevski, de la biologie à Shakespeare.
C'est un livre absolument nécessaire pour tenter de penser la bouillonnante marmite du monde en évitant les écueils du simplisme, du réductionnisme, des idées disjonctives. Les pièges sont si nombreux. Celui de la logique rationalisante notamment, qui évacue toute honte bue ce qui n'adhère pas à son plan de raisonnement... et mutile ainsi la réalité dans sa multiplicité.

Extraits :

Nous approchons d'une mutation inouïe dans la connaissance : celle-ci est de moins en moins faite pour être réfléchie et discutée par les esprits humains, de plus en plus faite pour être engrammée dans des mémoires informationnelles et manipulées par les puissances anonymes, au premier chef les Etats. Or, cette nouvelle, massive et prodigieuse ignorance, est elle-même ignorée des savants. Ceux-ci, qui ne maîtrisent pas, pratiquement, les conséquences de leurs découvertes, ne contrôlent même pas intellectuellement le sens et la nature de leur recherche.

(Introduction à la pensée complexe a été écrit en 1990, soit avant le développement d'internet et des réseaux sociaux. Le phénomène constaté par Edgar Morin était déjà à l'oeuvre à l'époque mais il a empiré. En ce sens, ce texte est visionnaire.)

Qu'est-ce que la complexité ? Au premier abord, la complexité est un tissu (complexus : ce qui est tissé ensemble) de constituants hétérogènes inséparablement associés : elle pose le paradoxe de l'un et du multiple. Au second abord, la complexité est effectivement le tissu d'événements, actions, interactions, rétroactions, déterminations, aléas, qui constituent notre monde phénoménal. Mais alors la complexité se présente avec les traits inquiétants du fouillis, de l'inextricable, du désordre, de l'ambiguïté, de l'incertitude... D'où la nécessité, pour la connaissance, de mettre de l'ordre dans les phénomènes en refoulant le désordre, d'écarter l'incertain, c'est-à-dire de sélectionner  les éléments d'ordre et de certitude, de désambiguïser, clarifier, distinguer, hiérarchiser... Mais de telles opérations, nécessaires à l'intelligibilité, risquent de rendre aveugle si elles éliminent les autres caractères du complexus ; et effectivement, comme je l'ai indiqué, elles nous ont rendus aveugles.

(Edgar Morin se montre de nouveau visionnaire. Le détissage de la réalité complexe en réalité simple à des fins de rationalisation économique et comptable s'est considérablement aggravé. Comment, alors, penser sérieusement les technologies de la robotique et de l'intelligence artificielle si on s'enferme dans une logique de l'immédiat tronqueur et trompeur ? Comment accommoder au soi friable et incertain les énigmes grandissantes des deux infinis qui bouleversent nos conceptions étriquées de l'espace et du temps ?)

Une des conquêtes préliminaires dans l'étude du cerveau humain est de comprendre qu'une de ses supériorités sur l'ordinateur est de pouvoir travailler avec de l'insuffisant et du flou ; il faut désormais accepter une certaine ambiguïté et une ambiguïté certaine (dans la relation sujet/objet, ordre/désordre, auto-hétéro-organisation). Il faut reconnaître des phénomènes, comme liberté ou créativité, inexplicables hors du cadre complexe qui seul permet leur apparition. 

(Autrement dit, pour qu'une intelligence artificielle accède au statut de sujet sans cesser pour autant d'être un objet interférant, elle devra pouvoir penser le flou et entrer dans la dimension onirique sans laquelle rien n'est possible. C'est encore de la science-fiction mais plus pour longtemps. Alors, on se souviendra d'Asimov, de Bradbury et de Morin, ces grands visionnaires.)

Introduction à la pensée complexe d'Edgar Morin est disponible en Points-Seuil pour la modique somme de six euros.

mardi 30 mai 2017

James Hanley par Henry Miller

(A propos du roman La maison sans issues, huis clos dans une maison à Londres pendant les bombardements de la deuxième guerre mondiale)

Résultat de recherche d'images pour "james hanley la maison sans issue"Je me suis éveillé ce matin en pensant à La Maison sans Issues et j'ai rugi de rire. Je pensais à M. Johns, le marin ivre, à Clem le petit génie et à Léna sa femme, avec son "cancer au coeur". Et je lâchai un nouveau rugissement. Car ce livre entier n'est qu'un long et formidable rire d'ordure océanique noyée dans une jungle glauque d'icebergs fêlés, de démence, d'hystérie, de vomit, de flammes et d'hallucinations. Il part de tous les côtés à la fois, à la suite de M. Johns le marin, et filant avec lui par la tangente, va se perdre dans les limbes. Clem, le petit "geavénavie" n'en finit plus de retoucher son immortelle toile ; sa femme de courir après les pilules ou les compresses au vinaigre ; M. Johns, de chercher après un fichu verre ; l'homme au Philco, d'essayer de prendrée la Bolivie sur son poste de radio ; Gwen, d'attendre son Richard, et celui-ci, de son côté, de guigner les cadavres, les bombes incendiaires ou le bref répit que lui laisseront les fureurs punitives d'en-haut. Tout cela se passe dans une maison de Londres, une nuit de raid aérien. Une maison qui a tout de l'asile d'aliénés, qui est la réplique exacte de cette autre maison de fous qu'est le monde extérieur, sauf qu'elle se tient dans l'esprit et que rien ne saurait mettre un terme à ce mécanisme d'horloge en folie, qu'un cataclysme.
Le style auquel Hanley a recours pour enregistrer cette dégringolade hallucinante, est magnifiquement adapté aux exigences que l'auteur lui-même s'est fixé. On sent que l'écrivain n'est pas seulement présent dans la suite en apparence incohérente des événements qui s'accumulent et se chevauchent pêle-mêle, mais qu'il est au plus fort des ruines et du bric-à-brac de l'esprit même. La langue qu'il emploie est celle du désordre à son extrême, de la démoralisation totale, et il s'y tient d'un bout à l'autre, avec une rigidité et une consistance qui rappellent ce cauchemar dont Kafka fit sa demeure. L'humour est sauvage, explosif, tour à tour attendri et loufoque. C'est de l'humour altier, de l'humour de dieux qui roulent sous la table. Le narrateur ne s'accorde pas le moindre commentaire, fût-ce indirect, il a "la touche arctique"- de quoi faire courir un petit frisson glacé du haut en bas de la colonne vertébrale...

Incipit :

 Après que le déluge de bruit eût cessé, que le vent fût tombé, le marin s'affaissa. Il était malade. Ils étaient dans un désert d'air.
- "Nom de... ! Sors-moi d'ici," cria le marin.
- "Lève-toi," dit le petit homme ; il se mit à tirer. Des crissements se firent entendre.
- "C'est de la glace," dit le marin. "Sors-moi d'ici." Retombant, ses mains devinrent des tentacules, explorèrent tout autour. "La glace, ça me connaît,"dit-il, "il y a toujours quelque chose de mouvant en dessous de la glace, je m'y connais."
- Du verre, espèce d'idiot," dit le petit homme ; son imperméable bon marché dégouttait, son casque continuait à lui tomber sur le front. "Lève-toi !" Penché, les bras entourant le marin, il tirait, tirait dur.
- " Va au diable," cria-t-il, "quoi, tu es saoûl."
La lune émergea d'une gerbe de lents nuages.

Paru sous le titre original de No Directions et traduit de l'anglais par Jean-Claude Lefaure, la dernière édition en France de ce roman remonte à 1987 chez 10/18. J'en recommande vivement la lecture. Pour le style souvent proche du chaos des situations comme du chaos des corps. Dans la postface, l'universitaire Jean-Pierre Durix compare l'art de James Hanley à celui de Pinter et de Beckett.

dimanche 14 mai 2017

Céline Escouteloup, Debout dans tes yeux

Résultat de recherche d'images pour "céline escouteloup"" Dans de grands torrents,
La sueur, les constellations, le sang des lèvres et l'urine chaude
Ont aspergé le ciel d'un long sanglot divin de loup et louve."


Ces vers de Céline Escouteloup dans Debout dans tes yeux réunissent les teintes essentielles de son univers. Délicates et éphémères à la façon des estampes japonaises ou plus crues voire triviales dans les notations sur le corps et le sexe, elles offrent dans le même feu du regard l'infini des étoiles et les souvenirs de l'enfance qui [saute d'un carreau à l'autre pour redessiner les énergies], les suppliques à l'être aimé : " Je te demande de manger du sucre à en avoir des caries."
La mise à niveau égal des perceptions et des émotions, de l'esprit et de la chair "pour ramener le cosmos sur la Terre" confère à ce recueil le goût de l'insolite dont le lecteur est aussitôt friand.
L'écriture de Céline Escouteloup se déplie en vers très brefs comme en méandres plus longs, épouse à l'occasion le souffle de la prose et occupe l'espace de la page en totale liberté, selon le plaisir souvent musical qui la conduit.
Debout dans tes yeux, troisième ouvrage de cette jeune auteure lucide [qui ne sait pas trop bien pourquoi elle écrit des livres] est une incontestable réussite où tendresses et espiègleries savent aussi nous émouvoir.

Extraits :

C'est ainsi que j'aime écrire le matin, un peu sale, un peu sauvage,encore éteinte mais qui brille, les doigts qui sentent le sexe, les cheveux pleins de noeuds, sans soutien-gorge et les pieds nus.

*

Désormais, j'occupe mon temps à effleurer du bout des doigts
l'univers en braille
Pour essayer encore, malgré tout,
D'en rapporter pour toi les contes du silence.

*

Il reste, parfois, un clown étrange qui bondit de là
sur son ressort rouillé
D'une si douce et coquette boîte à musique
Un homme en danseuse sur la pédale d'une bicyclette lancée
sur le trottoir mouillé
Et le pied qui flottille

*

Il y a des nuages brisés qui volent dans le ciel.
Il y a des nuages déchirés qui bordent les yeux.
Mes poumons se contractent dans la blancheur.

Dessous de ciel : sous le ciel des filles, une odeur de mer.
Une lumière verte, inutile comme un pressentiment, éclaire
inlassablement mon coeur d'un immense ennui : elle dit
que la mer sera là tout au long de la nuit.


Debout dans tes yeux de Céline Escouteloup est accompagné d'une encre de Sophie Brassart. Il est publié par les éditions Unicité au prix de treize euros.

image éditions unicité

lundi 8 mai 2017

Marie Cosnay, Aquerò

Résultat de recherche d'images pour "aquero marie cosnay"
Un fil de texte a cela de commun avec un fil de fer qu’il peut se tordre et se distordre dans tous les sens. Un fildetextiste doté d’un fort talent de funambule/somnambule peut même y faire des nœuds, dans un style soutenu comme dans un style plus rugueux. Marie Cosnay a de toute évidence ce talent-là.
Dans son dernier ouvrage, Aquerò, (qui signifie « ceci » en patois béarnais), elle tombe dans une grotte pendant un orage et rapetisse. Puis elle prend son envol comme les moineaux dont elle a désormais la taille. Après le ventre de la terre peuplé de monstres et de bisons peints, la cime obscure d’un if dans un cimetière, la nuit.

« Un bout d’espace blanc et lumineux » apparaît…
Quel est-il ? Quel genre lui attribuer s’il prend forme ?

Entre souvenirs de l’infirmerie dans son collège en 1974, relations historiques des années 1856-1858 et visions hallucinatoires de toutes sortes, Marie Cosnay nous livre ses perceptions chaotiques de Bernadette Soubirous qui ne saurait être Calamity Jane défouraillant à tout-va. Comme un écho à ce qui la hante du corps et de la chair, du naturel et du surnaturel, de l’enfance en ses fièvres blessées, de la mort qui ossifie.
La disposition de ce fil de texte, tantôt récit tantôt poème ou presque théâtre, déroute le lecteur dans sa recherche des intentions cachées. Que veut dire Marie Cosnay ? Que veut-elle nous faire dire en évoquant, parmi d’autres, les figures archaïques et mythologiques de la Vénus de Brassempouy, de Cassandre et d’Ulysse ? Cependant que lui revient du passé un jeune homme sur une Mobylette ?
A ces questions et au jeu des appariements littéraires dont je suis friand, je donne ma langue au « lézard sur les tuiles du toit », à la « biche impromptue », aux « moineaux de robes tabliers et paniers remplis qui s’ébrouent ». A la langue même. Celle de la littérature dans son exigence la plus ardente.

Extrait :
« … le fils de la Sainte Vierge va donner la matrice ou utérus de la truie qu’on va appliquer sur le nombril de Marguerite et de Rose ou Rosie qui parle pour elle aussi bien que pour sa copine au nom de fleur bis, la Sainte Vierge l’a compris car elle comprend tout, elle comprend aussi que les femmes ont tant de ventres, chacune en a tant, un ici et un ici, il y a tant de femmes, ça n’en finit pas de se déplacer, de souffrir, de descendre, de faire des petits et des petites choses et des ennuis incommensurables. Le fils de la dame va offrir le ventre de la truie et on n’en parlera plus. »


Aquerò, de Marie Cosnay est publié aux Editions de l’Ogre et coûte 17 €.

image bibliosurf.com

lundi 1 mai 2017

Maupassant journaliste, 1

Résultat de recherche d'images pour "maupassant"Autour des années mille huit cent quatre-vingt, Guy de Maupassant écrivit de nombreuses chroniques, notamment dans Le Gaulois, journal conservateur qui fusionna avec Le Figaro en 1929.
Le conservatisme de Maupassant chroniqueur n'était cependant pas celui de la haute bourgeoisie et de la noblesse de son temps. L'auteur de Bel-Ami aspirait à un gouvernement de l'intelligence et de l'esprit et soutint l'Etat républicain lorsqu'il imposa l'école obligatoire. De même, il souhaitait que des places gratuites fussent réservées dans les théâtres aux pauvres ayant des lettres. 
Le lecteur ne manquera pas de sourire aux coups de plume donnés avec gourmandise à la gent féminine, Schopenhauer à l'appui. Dames et demoiselles, forcément inconstantes, incapables de penser vraiment car trop soumises aux passions de l'amour, n'étaient que linottes à séduire mais avec élégance, sans jamais s'abaisser à quelque trivialité condamnable.

C'est surtout dans l'évocation de Gustave Flaubert que Maupassant se montre le plus pénétrant : "... on appelle généralement style une forme particulière de phrase propre à chaque écrivain, ainsi qu'un moule uniforme dans lequel il coule toutes les choses qu'il veut exprimer. De cette façon, il y a le style de Pierre, le style de Paul et le style de Jacques. Flaubert n'a point son style, mais il a le style; c'est-à-dire que les expressions et la composition qu'il emploie pour formuler une pensée quelconque sont toujours celles qui conviennent absolument à cette pensée, son tempérament se manifestant par la justesse et non par la singularité du mot. (in La République des Lettres, 22 octobre 1876)"
" Il écoute le rythme de sa prose, s'arrête comme pour saisir une sonorité fuyante, combine les tons, éloigne les assonances, dispose les virgules avec science, comme les haltes d'un long chemin : car les arrêts de sa pensée, correspondant aux membres de sa phrase, doivent être en même temps les repos nécessaires à la respiration. Mille préoccupations l'obsèdent. Il condense quatre pages en dix lignes ; et la joue enflée, le front rouge, tendant ses muscles comme un athlète qui lutte, il se bat désespérément contre l'idée, la saisit, l'étreint, la subjugue, et peu à peu, avec des efforts surhumains, il l'encage, comme une bête captive, dans une forme solide et précise." (in Le Gaulois, 23 août 1880)

Admirateur de la geste napoléonienne, Maupassant a fait plusieurs voyages en Corse, qu'il raconte comme si c'étaient des nouvelles. Voici un passage sur le port de Marseille qui vaudrait à n'importe quel auteur contemporain d'être traîné dans la boue voire devant les tribunaux : " Des Arabes, des nègres, des Turcs, des Grecs, des Italiens, d'autres encore, presque nus, drapés en des loques bizarres, mangeant des nourritures sans nom, accroupis, couchés, vautrés sous la chaleur de ce ciel brûlant, rebuts de toutes les races, marqués de tous les vices, êtres errants sans famille, sans attaches au monde, sans lois, vivant au hasard du jour dans ce port immense, prêts à toutes les besognes, acceptant tous les salaires, grouillant sur le sol comme sur eux grouille la vermine, font de cette ville une sorte de fumier humain où fermente échouée là toute la pourriture de l'Orient." (in Le Gaulois, 27 septembre 1880)

Chroniques de Maupassant a paru en 10/18 au début des années 1980 et c'est un plaisir toujours intact de lire les admirations et les détestations d'un écrivain affranchi de toute révérence.

image pinterest.com