vendredi 26 janvier 2024

Héloïse Roquencourt, poèmes inédits


 Héloïse Roquencourt est née en 2001 en Picardie. Après des études en histoire de l'art et en archéologie, elle se destine à une carrière de libraire. La revue numérique Terre à ciel (en lien sur ce blog) l'invite à sa table des anges avec de longs extraits d'un recueil en préparation. S'en suit un entretien où elle se confie sans fard ni détours sur ce qui la hante depuis la naissance. Parmi ses querencias, elles cite Sylvia Plath, Anne Sexton, Violette Leduc et Unica Zürn.

Editrices, éditeurs, allez sur Terre à ciel et lisez ces textes tantôt tourbeux et tantôt incandescents dans l'urgence à ne pas suffoquer totalement. Je ne doute pas que vous aurez envie de publier Héloïse Roquencourt. Elle le mérite grandement.

 

 J'ai jeté ma valise et mes jambes

Dans la première poubelle que j'ai croisée dans la rue

Je me suis défaite du mouvement du monde

J'ai refusé que la terre tourne et que les horloges

battent le temps comme du pain

J'ai refusé la farine du monde 

Et ce printemps qui est déjà tombé sur l'été et l'été

sur l'automne

Ca se ramasse en bruit continu et j'ai envie de hurler

car je veux seulement un silence

A tenir dans ma petite poche blanche

 

J'ai jeté ma valise et mes jambes pour aller nulle part

J'ai voulu quitter le monde en barrant mon nom de

tous les registres

J'ai voulu abolir tous les adjectifs, tous les noms,

la parole même

Et brûler mon corps pour devenir cendres-perdues,

vent-retrouvé,

Vivante et beauté blême

 

La simplicité absolue  -  un matin, une nuit, une

lumière

J'ai jeté ma valise et mes jambes

Pour me transformer en draps

Linges blancs, mains de lilas

Roches des rivières

 

Vivacité

 

Oh quel beau petit mot dans ma bouche !

Vivacité  -  mes jambes mouillées

Le coeur en balade

 

Je vis ! Je vis ! je vis !

*

Je n'ai dans la tête, dans mon désir

Qu'oiseaux, cyprès, grandes - grandes montagnes

 

Papier jaune pour allumer les doigts

Et du rêve pour jouer à quelque chose

 

Suis-je malade si je pense souvent

Avec des larmes sur les joues

A l'air pur des montagnes ?

 

Si seulement je pouvais être ce brin d'herbe, ce

lierre...

Là-haut

Pour boire la lumière

Pour être ivre

*

                                                    à mon amour

Les lilas m'ont brûlée

Les chants d'amour m'ont anéantie

Les champs de blé m'ont grignoté le corps

 

Je t'aime avec des tentatives pleines de vermines

lyriques

Je t'aime avec des poèmes qui ne sont pas les miens

 

Les calamités m'ont rongé la gorge

L'écorce a envahi ma bouche

Les araignées ont mordu ma langue

 

La brume m'a pleurée à l'orée du jour

- Enfant malade, tapis des hommes

J'ai voulu me foutre le feu pour me laver

Et me tisser un nouveau corps

De braises grandioses

De scories chatoyantes

 

Je t'aime avec mon enfance sans nom et sans visage

Avec ma laine, mes bises de vivacité, mes lierres

Mes maisons, mes campagnes

 

Aimes-tu mon enfance ? ma sauvagerie taciturne,

mes prières païennes ?

Aimes-tu le silence du matin qui bout dans la

bouilloire ? (...)

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