Partisans d'une pratique religieuse rigoriste, les parents d'Omar Youssef Souleimane, dentistes syriens, s'expatrient en Arabie saoudite en 1999. A douze ans, Omar est inscrit dans une école coranique où même la longueur de la djellaba obéit à un règlement strict. L'essentiel de l'enseignement porte évidemment sur le monothéisme et son interprétation, très stricte elle aussi. L'embrigadement est si poussé que le professeur de mathématiques écrit au tableau la phrase " Dieu seul le sait. " quand il résout une équation... Le lavage de cerveau n'est pas moins intense à la maison. Les juifs et leurs alliés occidentaux incarnent le mal absolu. Les attentats du 11-Septembre aux Etats-Unis donnent lieu à d'immenses manifestations de joie. La mère d'Omar regarde en boucle les informations sur Ben Laden. Son père se souvient qu'il rêvait de faire le djihad en Afghanistan dans les années 1980. Omar, pourtant déjà visité par le doute, succombe à l'envoûtement : " Oussama Ben Laden ... avait enfoncé la porte de la peur afin que les jeunes musulmans puissent suivre son exemple. Je me suis imaginé avec lui dans les montagnes de Tora Bora, vêtu à l'afghane, portant une arme. Là-bas, je regarderais les étoiles, dormirais dans les grottes et rien d'autre. Les médias diraient de moi que j'étais un criminel et peut-être le plus petit terroriste du monde."
Fort heureusement, l'imagination du "petit Omar" se laisse traverser par d'autres fièvres, beaucoup moins violentes, beaucoup plus délicieuses. La jeune Mouna laisse entrevoir quelques parties de son corps et un trait de khôl embellit discrètement son regard. Le feuilletage de quelque magazine érotique complète agréablement l'émoi naissant et la masturbation va bon train... dans un univers où le corps est considéré comme diabolique...
Sauvé par la chair fantasmée, Omar l'est aussi par la puissance poétique et musicale de la langue arabe. L'apprentissage du Coran dès l'âge de cinq ans n'assombrit pas son émerveillement à la lecture de nombreuses poésies. Plus tard, la découverte d'Eluard et d'Aragon le métamorphose. " J'imaginais devenir poète. En rentrant à la maison, je songeais aux colombes qui revenaient à leurs nids après avoir porté les messages qu'on leur avait confiés.", écrit l'auteur de Le petit terroriste. Plus tard encore, son père lui ayant offert un ordinateur, Omar s'affranchit définitivement grâce à Internet de toute croyance religieuse alors qu'il aurait pu au contraire basculer dans une radicalité plus aveugle. Non sans humour, il déclare souhaiter rejoindre en enfer les génies Aristote, Platon, Einstein, Edison, Rimbaud... ainsi que Monica Bellucci et Angelina Jolie... parmi tant d'autres sublimes créatures.
Le petit terroriste d'Omar Youssef Souleimane est un récit totalement authentique. Composé de textes brefs, une à six pages, il raconte l'épouvante vécue en Syrie après le retour de la famille au pays. Bachar al-Assad massacre son peuple et Omar devenu journaliste au service de la liberté est exfiltré d'extrême justesse en Jordanie puis exilé à Paris où il réside, cela ne s'invente pas, rue du Paradis...
Au-delà des faits, il pose surtout une question philosophique majeure : Un islam compatible avec les idées de liberté et de démocratie est-il possible ?
Le petit terroriste d'Omar Youssef Souleimane est publié chez Flammarion et coûte 17 €. L'auteur, qui a par ailleurs édité des livres de poèmes, (Loin de Damas, éd Le Temps des cerises, 2016...), sera présent à l'Escale du livre à Bordeaux début avril. N'hésitez pas à le lire et à le rencontrer.