vendredi 24 mars 2017

Viagem a Porto, 13


Aujourd’hui, je suis resté à l’appartement jusqu’à six heures du soir. Je n’ai pas arpenté les pavés de Porto mais la fin de La ballade de l’impossible de Murakami. Naoko est morte. Pendaison. Les médecins et sa compagne de chambre, Reiko la musicienne, croyaient qu’elle trouvait enfin la sortie du trou noir. Ils se trompaient. Naoko avait programmé son suicide et c’est terrifiant. Watanabe, qui se croit coupable tout en sachant qu’il ne l’est pas, erre pendant un mois. Reiko l’appelle. Ils se voient, s’étreignent, évoquent la disparue, pleurent. Puis, Watanabe se décide à appeler Midori qu’il n’a pas vue depuis six mois. Il aime sa gouaille, ses mots crus à propos du sexe, sa dévotion quand elle soignait à l’hôpital son père mourant. Il l’aime. Elle l’aime. Tout est possible, maintenant que Naoko est morte. Mais comment savoir.
J’ai aussi continué à lire l’anthologie de la poésie contemporaine portugaise. Il m’a sauté aux yeux que les poètes portugais abordent sans détours la question du corps. Du corps qui saigne. Qui éjacule. Qui pue. Mon sentiment est confirmé par la note d’un universitaire sur l’un des poètes.
Je suis pas si con, finalement.

A six heures, je suis allé au bar où je prendrais volontiers des habitudes. Je me suis réfugié à l’intérieur car le vent sur la terrasse coupait comme les lames d’une faucheuse. Belle omelette au jambon et au fromage servie avec des vraies frites contrairement au Palais du cochon de lait où l’on a osé me servir des ships. Sacrilège. Deux verres de vin en regardant des infos à la télé. Pitoyables comme partout. Et maintenant j’écris ceci, après avoir travaillé à mon roman. On dirait qu’il s’est décidé à avancer. Je ne sais pas jusqu’à quand tellement il est branquignol.
Demain, j’irai acheter du e-liquide pour ma cigarette électronique rua da Alegria et je me rendrai dans un magasin de la rua Santa Catarina où on ne vend que des chaussettes. Pour ma compagne et Giro, notre fils de cœur.

Voilà.

Première photo, mes loustics de Cordoaria
Deuxième photo, il suffit de passer le pont

jeudi 23 mars 2017

Viagem a Porto, 12

 Je monte la rua da Alegria à l’angle de la rua Fernandes Tomas et j’en ai pour plus de deux mille numéros. Toujours cet étonnant mélange d’architectures. Avec des façades d’azulejos ou entièrement taguées. Puis, tout à coup, un château d’eau. Puis, encore, une grande friche de jardin. Beaucoup d’écoles privées dans tous les domaines, de l’économie à la production culturelle, des collèges aussi, des écoles primaires.
Je remarque beaucoup de commerces dont un qui ne vend que des extincteurs. Un autre que des pièces automobiles. Ce sont là des petites surfaces dont la vie doit être chiche si j’en crois Rui Paiva.
Voilà. Marcher et marcher encore sous le ciel qui joue à cache-cache avec les ombres du trottoir.
Quand je redescends, je note les coordonnées de l’hôtel trois étoiles S. José. La Rua Santa Catarina est proche. Idéal pour ma compagne à qui j’ai proposé que nous allions tous les deux à Porto. Elle aimera. La poésie de la ville. Sa tendresse. Son absence de maquillage, comme dit Caro. Mais elle devra monter et descendre. Descendre et monter. Elle se fatiguera. Nous prendrons des taxis.

Pour terminer, un extrait du poète Manuel Alegre :Résultat de recherche d'images pour "manuel alegre"

Nous étions vingt ou trente sur les berges de la Seine.
Et nos yeux erraient sur les eaux.
Ils recherchaient le Tage dans les eaux de la Seine
ils recherchaient des saules sur les berges du vent
et ce pays de larmes et de villages
posés sur les collines du crépuscule.
Ils recherchaient la mer.

Manuel Alegre est né en 1936. Opposant à la dictature de Salazar, il dut s'exiler en Algérie. Certains de ses poèmes ont été chantés par Amalia Rodrigues.

Viagem a Porto, 11

 (article publié en différé pour cause de problème informatique)



Finalement, baragouiner l’anglais s’avère utile à Porto. Ce matin, ni téléphone ni internet. Boîtier wifi plus muet qu’un sphinx.  Panique à bord. Réfléchir. Se rendre dans la boutique NOS la plus proche et tâcher de se faire comprendre. On appelle pour moi The Porto concierge et tout est réglé en deux heures. Le boîtier avait dû glisser et s’était déconnecté…
Cet après-midi, après avoir mangé de succulents mini flans meilleurs encore que ceux de Chez Elise cours Portal à Bordeaux, je fais des courses chez Froiz. J’achète du lait à l’emblème de la tulipe, des soupes, du PQ, des boîtes de je ne sais quoi micro-ondables, des Pim’s, du Caprice des Dieux, du jus d’orange, du chocolat noir Jubileu, des fruits secs cent pour cent naturels qu’ils disent, poire et ananas et une bouteille de vin : Cabeça de burro, vinho tinto, 2013.
L’étiquette montre la culture de la vigne en terrasse le long du Douro. Du vin qui baigne dans l’or, donc. Je vous dirai.
Sinon, à presque mi séjour, je tiens à dire aux deux personnes, un assez vieux monsieur et une toute jeune fille, qu’elles se trompent en affirmant qu’on parle français à Porto. Faux de chez faux. La pratique de l’espagnol n’est pas répandue non plus.Résultat de recherche d'images pour "jardin do palacio de cristal"

Demain, après avoir fait chou blanc et trois kilomètres à pied hier, c’est beaucoup pour un chou fût-il blanc, je retourne au Jardim do palácio de cristal pour visiter la Galeria municipal Almeida Garrett qui sera enfin ouverte. Mais en bus. 

image igogo.pt

mercredi 8 mars 2017

Viagem a Porto,10

Je m'installe pour la deuxième fois au carrefour de la Praça dos Poveiros, dans un bar dont la terrasse est chauffée : Nuances tropicais. Le vin est bon et bien servi, l'assiette de frites généreuse.

Je regarde les gens passer. Les jeunes filles en boutons qui dardent, les mères démonstratives dans leurs marques d'affection à la progéniture vagissante,  les vieux seuls avec ou sans canne, avec ou sans misère. Des mouettes font leur tournée du paysage replié par le soir. Des scooters vrombissent. Des chats en catimini flairent le trottoir.

Je m'étonne que les automobilistes (qui appuient sur le champignon car il n'y a pas de zone trente ni cinquante) s'arrêtent aux passages protégés avant que les piétons ne s'engagent. Une leçon à prendre pour le chauffard impénitent que je suis...

Je m'étonne du calme sans violence souterraine prête à défigurer. A ce carrefour et partout dans la ville. Je ne perçois pas de tensions communautaires comme à Bordeaux, cité suave comparée au cauchemar du 93.

Qu'est-ce à dire ? J'empesterais le fagot si j'avançais, imprudent ou naïf, que la faible présence des rebeus y est pour quoi que ce soit... Cependant, cependant... J'ouvre les yeux et ma pensée pour corriger ce que je pourrais ressentir comme ressent le moindre quidam avec ses préjugés. Le vrai et le ressenti ne sont pas qu'une donnée météorologique...

Je crois, avant de me forger une opinion mûrie au temps éprouvé, que l'exclusion n'est pas à Porto structurée comme dans nos villes livrées au fouet du bourreau dont Baudelaire s'émouvait. (Baudelaire, ce dangereux réactionnaire, comme Flaubert, Maupassant, Gauthier, Nerval, tant d'autres...) La pauvreté a des représentations plus archaïques : le clochard, le vendeur à la criée de billets de loterie, le joueur de piano à bretelles aux touches écaillées comme la marée du jour, le réparateur de parapluies, la vieille fripée au porche des églises, le cul-de-jatte sur son fauteuil qui n'est pas électrique et qui attend, qui attend, toujours à la même place, toujours avec la même absence de gestes.

A propos d'église, justement, igreja en portugais. Celle des congregados près de la Praça da libertade. J'y suis entré, assailli, suffoqué par trop de moulures, de dorures et d'encens sulfaté. Comment prier Dieu là, en cette profusion qui assassine tout regard porté aux travers? Où trouver le dénuement qui conduirait au recueillement, à l'ascèse sans laquelle rien ne se peut proférer à l'au-delà s'il en est un qui existe ? 
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J'y ai vu de vieilles personnes piquetées déjà du vert-de-gris de la mort mais nippées de soie raide, tavelées comme si les Enfers déjà les avaient happées, et c'étaient des génuflexions, des égrainages de chapelet, des signes de croix auxquels ne manquaient que les aspergesme car le bénitier créchait trop loin de leurs petits pas.  Aucune en sortant n'a donné son obole au fantôme dépenaillé qui tendait la main.

Quoi d'autre dans ce brassage de la vie pétrie par les hasards qui enchantent ou saignent le chemin que nous avons à faire puisque c'est notre travail tant que nous sommes de ce monde dépecé ?  Un vers peut-être, du poète Antonio Ramos Rosa : "Comment rassembler l'obscur dans l'évidence des mots ?"

Chercher l'obscur, l'opaque, le marécage ineffaçable des suints, ce qui se révélera plus tard si on a ordonné à sa volonté de faire ce travail de patience, chercher cela plutôt que la lumière qui pourrait nous tromper avec ses évidences sans arrière cour, sans bas fond.

Continuer ce combat dévorant tant que mon coeur restera debout.

image igreja dos congregados helloguideporto.com

Viagem a Porto, 9

Aller à la fondation (fundaçao) Serralves. Prendre le bus 502 au marché Bolhao... et se retrouver au terminus parmi des grues portuaires pour avoir loupé l'arrêt (paragem). Faire demi-tour avec le même chauffeur amusé qui m'indique quand je dois descendre.

La fondation est un beau lieu contemporain niché parmi toutes sortes de frondaisons étirées sur dix-huit hectares. Je ne visite pas l'exposition Miro dont je prétends connaître l'oeuvre mais l'exposition Philippe Parreno. Elle occupe une dizaine de pièces immenses et très hautes. Les plafonds sont recouverts de ballons gonflés à l'hélium qui représentent de grands poissons marins. Il y en des argentés, des dorés, des transparents, des jaunes, des violets, des orange, des bleus. Résultat de recherche d'images pour "philippe parreno"
Dans certaines pièces, des encres de petit format, tirant sur le noir avec parfois des trouées blanches, courent le long des murs. Je crois deviner le motif récurrent d'un espèce de libellule tordue par des chimères. Ailleurs, seulement quelques affiches monochromes, orange et vertes. Résultat de recherche d'images pour "philippe parreno"
Puis la surprise de découvrir un grand panneau en arc-de-cercle qui tourne sur lui-même cependant que les rideaux à l'entour montent et descendent, sans jamais s'arrêter à la même hauteur. Et c'est ainsi que la lumière joue à piéger notre regard perdu dans l'espace. 
Cette exposition-installation qui nous montre aussi quelque sapins de Noël chamarrés comme des amiraux est également sonore. Des mouettes. La houle. Des plaintes et des souffles. Des mouettes. Des bruits de machines indéterminées. Des plaintes. des souffles. La houle. Des mouettes.
Ne me demandez pas de préciser les intentions artistiques et conceptuelles de l'auteur. J'ai cependant aimé me promener parmi ses créations. 

J'ai également mis mes pas perdus dans les allées et les dédales des jardins. De beaux camélias et liquidambars trompent ici les sens du veilleur. Il y a des sculptures étonnantes. Les cabanes cinétiques ornées de voussures romanes, signées par le Coréen Haegue Yang, désarçonnent. Non loin de là, un olivier millénaire me fait signe. Je m'assois sur un banc. Mes yeux furètent. Mes pensées zigzaguent. 
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Et mon dos moulu me rappelle à ma fatigue. Je rentre. Ligne 502. Puis ici, maintenant, à écrire.

image Parreno pilarcorrias.com
image Parreno officiel-galeries-musees
image jardins de Serralves info-porto.pt

mardi 7 mars 2017

Viagem a Porto, 8

Parler des commerces. L'étonnement s'y trouve aussi. Et plus souvent qu'ailleurs si le regard biaise. Chez Froiz, moyenne surface, on ne trouve pas de plats préparés micro ondables. Au mini market 2 rua Dr José Joaquim de Almeida, il n'y a pas de soupe en boîte. J'ai pourtant besoin de Soupapon pour épauler Chauffageon.  Soupapon chauffe le dedans et Chauffageon le dehors. Quant au sucre, on le cherchera vainement en morceaux. C'est en sachets qu'il y est, comme dans les bars au bas mot dix fois plus nombreux qu'en France. En revanche, tous les magasins alimentaires proposent de la morue en tranches confortables... Mais je n'ai jamais trop aimé la morue, ce plat de réfectoire pour adolescents désabusés.
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Sinon, les petites échoppes sont partout, certaines logeraient dans ma poche qui n'est pas plus idéale que mon paletot. On trouve des réparateurs en petit électro-ménager (electrodoméstico), des merceries pour le fil, la laine et les boutons dorés, des drogueries, des quincailleries, des mini kiosques à journaux où la tenancière âgée pourrait suffoquer. La grande distribution n'a pas encore fait son ménage dans le centre de Porto et je m'en réjouis.
Quant aux boulangeries (padaras), c'est curieux, le pain y abonde moins que les gâteaux. Des espaces longs et étroits comme des couloirs ou vastes comme des salles à manger y accueillent la clientèle pour un café accompagné d'une pâtisserie fort crémeuse. 

Les librairies enfin. J'en ai déjà vu quatre ou cinq alors qu'à Barcelone il faut travailler sérieusement du mollet pour en découvrir une seule et souvent pitoyable. De plus, les éditeurs portugais publient sous d'élégantes couvertures de l'excellente littérature. Actuellement, Paul Auster est présent dans toutes les vitrines. Mais aucune ne vaut celle de Lello bien sûr. 

Dans un prochain article, je vous parlerai des prix et vous comprendrez pourquoi des retraités français choisissent de vivre au Portugal. 

image portugalexportfood

lundi 6 mars 2017

Viagem a Porto, 7

Monter / Descendre. Descendre / Monter. Ouille ! mes mollets, mon coeur, mes mollets ! Les sardines montent-elles et descendent-elles sans fatigue les eaux épaisses du Douro coiffé de ses ponts signés Gustave Eiffel ?

Elles sont partout : en cartes postales, en porte-clefs, en azulejos, sur les sacs à main comme sur les sacs à malice, partout vous dis-je, bientôt je verrai des crayons-sardines (pour aller avec les cartes postales), des tire-bouchons-sardines, des montres molles sardines et passons...

Sur le pont Luiz I, je vois une affichette en français : J'EXISTE. Un écho à Alvaro de Campo hétéronyme de Pessoa (personne en portugais), lequel écrivait qu'il n'était rien. A propos de poésie je découvre dans mon anthologie celle de Eugénio de Andrade.

J'écris pour faire de la vieille
lumière des corbeaux
le seuil d'un nouvel été...
*
Parfois on rentre chez soi en traînant
l'automne par un fil,
c'est alors que l'on dort mieux,
que le silence même a fini par se taire.

Et voilà que la pluie s'acharne sur mon paletot qui n'a rien d'idéal. J'achète des cartes postales en noir et blanc, cinquante centimes pièce, et tant pis, un azulejo avec des vers de Pessoa. Un bon filon, s'il savait...
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Puis je me réfugie  à la Taverna au 30 Praça da Ribeira. Une jolie black m'accueille. J'entends parler espagnol, italien... Je prends un café et une tarte au citron (limao) excellente. 

Je regarde passer le téléphérique au-dessus du fleuve. Si si ! Il y a un téléphérique ! J'épie une mouette aux prises avec une poche qui contient des restes de viennoiseries, de portuenseries devrais-je écrire...

Au bout de cinq jours à Porto, quelle impression globale ? Plus de calme qu'à Bordeaux. Plus d'habitants mais moins de monde. Beaucoup de petits vieux seuls et je sens que la lenteur ne leur tient pas bien compagnie. 

Et puis ces bric-à-brac architecturaux. Baroque bariolé de bleu et rococo. Art nouveau. Réalisme industriel des années trente/quarante. Ultra contemporain. Du neuf chevillé à l'ancien, à la ruine même, que l'on rase ou que l'on ravaude, pour faire advenir autre chose qui échappera tout pareil à la rationalité des agencements urbains.

Un peu de soleil vient par ma haute fenêtre. Je ronronne avec Chauffageon. Je consulte, incroyable mais vrai, la météo sur le smartphone que ma compagne et notre fils de coeur m'ont imposé.

Me voilà moderne, moi que ne veux pas l'être de peur d'être dépassé, comme disait Renan, ce grigou réactionnaire mais pénétrant.

C'est tout pour aujourd'hui à moins que. Comment savoir ce qui en moi décide ?

image de Pessoa artandmylife.wordpress.com

dimanche 5 mars 2017

Viagem a Porto, 6

Aujourd'hui, mon voyage a été immobile. J'aime l'immobilité qui porte à l'infini les possibilités de mouvement. J'ai bu des cafés au lait, des soupes de légumes dits méditerranéens. J'ai grignoté des figues séchées. 

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J'ai écrit une page et demie du roman que je refuse et qui me refuse. Je n'ai pas encore décidé d'arrêter d'écrire du roman. Je manque de sagesse pour prendre cette décision. Je suis pourtant venu à Porto pour le faire. La vie me presse.


J'ai lu aussi. Quelques poèmes de Vitorino Nemésio et de Miguel Torga. Dans Guerre civile, ce dernier ne se paie pas de mots inutiles.
C'est contre moi que je lutte.
Je n'ai pas d'autre ennemi.
Ce que je pense,
Ce que je sens,
Ce que je dis,
Ce que je fais,
Réclame le châtiment
Et désespère la lance de mon bras.
Alliance absurde
D'enfant
Et d'adulte,
Ce que je suis est une insulte
A ce que je ne suis pas ;
Et je combats cette silhouette
Qui m'a investi par traîtrise...


Je me suis beaucoup avancé dans la relecture de La ballade de l'impossible de Haruki Murakami. Bien sûr, je suis amoureux de la fragile Naoko. J'ai noté cette phrase aussi : " Je me demande s'il n'y a pas à l'intérieur de mon corps un endroit sombre, une contrée lointaine où mes souvenirs les plus importants s'entassent pour donner de la vase."

J'ai parlé de vase hier, alors que cette phrase m'était sortie de la tête sans en sortir. Elle était bien là, à me guetter comme une proie.

Sinon, puisqu'il faut bien demeurer dans le monde, j'applaudis monsieur Ivan Rioufol du journal Le Figaro. Il appelle à voter MLP au deuxième tour de la présidentielle si Fillon n'y est pas et pour faire barrage à Macron. Les masques tombent et j'aime ça. Ils n'ont pas fini. Les loups arrivent. Vous les entendez ? Vous les entendez ?

image de ma bouteille de lait, continente.pt

samedi 4 mars 2017

Viagem a Porto, 5

Ma soeur aînée me demande si je suis en cure à Porto. Je lui dis que oui. En cure de moi-même. Pas au sens du soin, non. Au sens premier. Curer la vase. Celle dans laquelle je pourrais me noyer. Toute cette mémoire qui a ranci et me déborde. Tous ces désirs foutraques de vivre contre tout en vivant avec. La réalité humaine est cafouilleuse, disait Lacan. Il savait de quoi il parlait : il a beaucoup cafouillé lui-même.

J"ai beaucoup marché aujourd'hui, beaucoup vu d'images au Museu Soares dos Reis. Le portrait d'une adolescente m'a ému avec son air penché. Cette présence que j'aurais pu toucher, caresser. Des paysages aussi, d'une texture non vue ailleurs. Qui ont recomposé mon regard.

Et puis le Centro português de fotografia enfin ouvert. Cette ancienne prison. Ses barreaux épais. Toutes sortes d'appareils, des plus gros aux plus miniaturisés comme dans les films d'espionnage en passant par les jouets de Fischer Price. La muséographie retient aussi l'ordinaire jetable et c'est bien. Il faut le faire, pour dans dix mille ans comme disait Léo. Une exposition de photos prises par des sans domicile fixe, des homeless, m'a interpellé. La qualité du regard des visiteurs aussi. Du nu, rien d'autre, sans triche.

Enfin, le crépuscule tombant sur le vol lourd des mouettes, je me suis posé à une terrasse de café pendant une heure. Une assiette de frites et deux verres de vin rouge légèrement pétillant. Sept euros le tout c'est donné vu l'abondance. J'ai regardé les gens aller et venir. Ce calme. Cette tendresse, écrivait Pessoa. Alors j'ai pensé à Cristina D*** qui m'offrit l'oeuvre du poète en pléiade parce que je m'étais bien occupé de sa fille la Moméma, laquelle il faudrait inventer si elle n'existait pas. Mais elle s'invente très bien toute seule et c'est tant mieux. Clin d'oeil.

Puis. Puis. Rentrant dans ma froidure avec mon chauffageon, merci Caro pour le néologisme. Une galerie sur le chemin. Galeria Geraldes da Silva, rua Santo Ildefonso. Un vernissage. Les sculptures et céramiques de Rui Paiva sont magnifiques. Je vais en acheter une pour ma compagne : du grès monté sur fer, dépouillé. Qui pourrait me conduire à méditer encore sur la porosité entre matière et essence. Cette question éternelle de la philosophie, de laquelle jamais l'humain ne s'affranchira.
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Et maintenant je vais dormir. Reposer ce qui a été vu, éprouvé. Loin de la vase.

image ruipaiva.net

Viagem a Porto, 4

Un peu de soleil dans la froidure. Les mouettes rient. Je vais Rua das flores. Au 180, Raquel & Joana Pinheiro me reçoivent dans un café chic et élégant. Rien n'écorche la vue. Le café coûte 70 centimes comme ailleurs et les flans encore tièdes sont excellents. Enfin, ce n'est pas rien, l'anglais qu'ici on parle est à ma portée.

Un détour par la cathédrale de Porto. Austère et écrasante. Le bon Dieu était ici bien gardé. Je pense à Spinoza. Obligé de fuir, de se réfugier à Amsterdam où il vécut de la taille et du polissage de verres optiques.

Visiter ensuite le Centro Português de Fotografia. Las ! Fermé le samedi. Mais je rencontre de belles sculptures dans le Jardim da Cordoaria. Des personnages à la renverse ricanent sur des gradins rouillés, disent l'absurdité du monde, de la condition faite aux hommes. 
Résultat de recherche d'images pour "jardim da cordoaria" Je ne monte pas en haut de la Torre dos Clérigos. Mes mollets ne sont pas à la noce. Porto n'est pas une vaste plaine.

Je vais à la livraria Lello au 144 rua das Carmelitas. Oooh ! Le choc malgré la présence de trois Chinois au centimètre carré. Je me crois dans un roman de Mervyn Peake, Gormenghast. Oooh ! J'achète deux livres en français : 
- Anthologie de la poésie portugaise contemporaine 1935-2000, présentée par Michel Chandeigne et publiée chez Gallimard.
- Dans la librairie la plus belle du monde, Lello. Un petit garçon écrit un livre très spécial et décide de l'apporter à la librairie Lello pour l'offrir à tous les enfants du monde.
Résultat de recherche d'images pour "livraria lello" Puis je rentre dans mon appartement avec mon soufflant ronronnant. Je vais me faire une soupe.
image  jardim da Cordoaria sigarra.up.pt image livraria Lello fr.pinterest.com