dimanche 16 avril 2023

Fiches de secours pour le bac philo 2023 (6)

 

 Le langage…

Le langage est un outil de communication mais dit aussi quelque chose du rapport au réel et de l’ensemble de nos représentations. Quand nous nous exprimons dans une langue étrangère, nous sommes souvent déstabilisés, comme si les mots nouveaux et leur grammaire ouvraient sur une autre représentation du réel.

Un moyen de communiquer et d’exprimer :

Le langage désigne tout système de signes et de règles permettant la communication ou l’expression. Un signe doit exprimer une chose et donc la rendre présente. Il doit pouvoir être perçu en tant que signe. On parle ainsi du langage de l’informatique, des fleurs, des corps…

Une faculté créatrice :

Le langage permet d’apprendre, d’utiliser et de créer des systèmes de signes. Ces systèmes sont appelés des langues et diffèrent en fonction des cultures. Le linguiste Ferdinand de Saussure observe que le lien entre le signifiant (image acoustique, le mot lui-même) et le signifié (la chose associée au signe) n’est pas naturel car il dépend de la pluralité des langues.

Celui qui est doté à la fois du langage et d’une langue jouit de la parole. Elle n’est pas nécessairement vocale : les sourds-muets parlent aussi. Elle est un acte singulier et créateur. Par conséquent, s’il existe bien un langage informatique, les ordinateurs ne parlent pas pour autant. Leurs messages ne résultent d’aucune intention personnelle, ils ne sont pas maîtrisés.

La question du langage animal :

La question est de savoir si le langage humain est plus perfectionné que le langage animal ou s’il y a entre eux une différence radicale.

…Et peut-on tout dire ?

Il nous arrive d’avoir du mal à nous exprimer. S’agit-il d’une défaillance de notre part ou notre parole est-elle impuissante à dire certaines choses ? Pour Hegel, la pensée ne précède pas le langage. Il n’y a pas, d’une part, une pensée pure (subjective et intérieure) et, d’autre part, une parole objective et extérieure qui la recueillerait. Nous ne prenons conscience de nos pensées que lorsqu’elles sont formulées. Puisqu’on ne peut pas penser en dehors du langage, car il révèle la pensée, il ne peut la trahir.

Il semble pourtant que nous rencontrions parfois les limites du langage quand nous cherchons à exprimer nos pensées. Soit nous avons une incompétence linguistique particulière, (alors que la parole participe de le pensée selon Merleau-Ponty) soit notre pensée est obscure. Mais pourquoi faudrait-il faire de la clarté le critère d’une pensée ? Nos sentiments et nos sensations ne sont pas toujours clairs. Ils sont toujours en mouvement et nous viennent par bribes éclatées et contradictoires. Leur vérité ne réside pas dans la forme logique du langage. Bergson considère que nos intuitions, complexes, échappent au langage qui va jusqu’à les dénaturer.

Cette insuffisance du langage manifeste en réalité sa puissance. Exprimer une réalité singulière implique de lutter contre la logique propre au langage. En se tournant vers un usage esthétique de la langue, débarrassé du souci de dire la vérité.

La liberté…

Les hommes aiment la liberté au point que certains sont prêts à se battre et mourir pou elle. Mais de quelle liberté parle-t-on ? La liberté politique octroyée aux citoyens d’un Etat ou la liberté personnelle, cette absence de contrainte dont il nous arrive souvent de rêver ? En outre, si la liberté est désirable, elle peut aussi être difficile à assumer. Et il y a peut-être des formes illusoires de liberté.

Un statut politique :

Dans les sociétés antiques, la liberté était réservée aux citoyens (ni esclaves, ni prisonniers). Ils étaient les seuls à prendre part aux décisions politiques. La liberté politique n’est pas l’indépendance totale mais le pouvoir de faire ce que les lois permettent.

Un pouvoir intérieur :

Il faut distinguer le libre arbitre qui permet d’opérer par soi-même et sans contrainte des choix et l’autonomie qui permet de poser soi-même la règle à laquelle on obéit. La liberté suppose la conscience pour évaluer les choix possibles et implique la responsabilité morale et juridique : si l’homme est l’auteur de ses actes, il doit aussi en répondre.

Une confrontation avec le monde :

On peut affronter des difficultés tout en restant libre de ses choix. La liberté s’éprouve donc dans l’action, dans la confrontation avec le monde, dans le travail qui peut nous permettre de réaliser nos volontés.

…Et est-on libre de changer le cours de choses ?

Il faut d’abord distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous. Selon les stoïciens, le cours des événements nous échappe mais nos pensées nous appartiennent. L’homme libre est le sage qui sait prendre du recul alors que la foule est aliénée. La liberté est un pouvoir d’agir sur soi-même et non sur le cours du monde.

Mais existe-t-il pour autant un destin qui s’impose à nous ? Les Anciens y croyaient mais, cependant, Epicure écrit : « l’avenir n’est ni tout à fait à nous, ni tout à fait hors de nos prises ». Aristote ajoute que l’homme est « le principe des futurs ». Rien n’est écrit d’avance.

Et pourtant de nombreux déterminismes peuvent peser sur nous. Le poids de l’inconscient selon Freud ou l’influence de la société selon Marx. Sans oublier les lois de la nature elle-même, dont les causes et les effets s’enchaînent de façon nécessaire. Or, la science n’a rien à voir avec la croyance ou le destin.

Pour Kant, l’homme est libre quand il peut imposer sa volonté contre son penchant naturel. Il prend l’exemple de quelqu’un à qui l’on propose de faire un témoignage sous peine de mort. S’il n’est déterminé que par son instinct de survie, il accepte immédiatement. Mais sa conscience peut lui dire qu’il peut refuser. Il est alors libre.

 

La nature…

Nous voulons dominer la nature mais nous devons aussi la préserver. Nous la connaissons par la science mais elle se dévoile aussi par sa beauté. Elle nous renvoie de plus à notre personnalité profonde dont on ne sait pas toujours quand la suivre et quand la réprimer.

C’est ce qui fait d’un être ce qu’il est :

A l’origine, il s’agit du principe interne de production et de développement d’un être. Dans un sens plus large, la nature d’un être désigne son essence, soit ce qu’il est en son fond, ce qui le définit.

On nomme « artificiel » tout ce qui ne résulte pas de l’action consciente de l’homme. On oppose aux instincts naturels et innés tout ce qui est conventionnel ou acquis, donc « culturel ».

C’est l’ensemble des phénomènes :

Dans la pensée moderne, la nature est l’ensemble des choses connaissables par la science et transformables par le travail. La maîtrise théorique permet une maîtrise pratique. Descartes dit que nous sommes capables de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature ». Cette nature est assimilée à la matière et l’homme, en tant qu’être pensant, lui fait face plus qu’il n’en fait partie. Mais, comme le dit Spinoza, n’est-ce pas considérer à tort l’homme « comme un empire dans un empire » ?

Nature et monde :

Aujourd’hui, notre souci n’est pas tant de dominer la nature que de la préserver. Hans Jonas alerte sur le caractère « périssable » et « fragile » d’une nature dont nous sommes devenus les « gardiens ». Au-delà de notre responsabilité, notre rapport au monde doit être repensé. On ne peut le réduire à un objet, donc à une nature connaissable et façonnable à merci.

…Et faut-il suivre la nature ?

Pour John-Stuart Mill, suivre la nature est un principe désastreux. L’action humaine infléchit au contraire le cours des choses pour faciliter la vie et trouver le bonheur. Ce serait aussi une doctrine immorale. Elle tue impitoyablement et à grande échelle les hommes bons comme les mauvais (maladies, catastrophes naturelles). Elle anéantit le fruit du travail. De même, elle inspire les mauvais sentiments (égoïsme, méchanceté…) qui semblent notre pente naturelle. Il est préférable de suivre notre raison. Sous la forme du calcul utilitariste : chercher toujours le plus grand bonheur possible pour le plus grand nombre de gens.

On ne peut prétendre déduire ce qui est juste de ce qui est naturel. Rousseau écrit que suivre ses penchants naturels ne peut pas constituer une règle de conduite. En fait, la culture corrige la nature, nous élève et apprend la maîtrise de soi. Pour Freud, la civilisation doit tout faire pour limiter l’agressivité naturelle. Sinon, l’homme reste un loup pour l’homme.

Mais l’homme ne peut totalement s’affranchir de la nature. Aujourd’hui, nous nous sommes trop éloignés d’elle. L’homme oublie que sa survie passe par la préservation des écosystèmes. Selon Jonas, il faut réinventer une « éthique de la nature ».

La raison…

Nous voyons la raison comme un guide pour nous orienter face à la réalité mais la philosophie envisage d’autres voies pour nous éclairer.

La raison est un pouvoir de l’esprit :

La raison permet de distinguer le vrai du faux et le bien du mal. Il y a donc un usage théorique (connaître le réel au moyen des idées) et un usage pratique (émettre des jugements moraux fondés sur des principes).

La raison veut rendre raison :

La raison a l’ambition de comprendre le pourquoi des choses mais aussi pourquoi elles sont ainsi et pas autrement. Ce qui aboutit à la métaphysique : connaissance des réalités immatérielles telles que Dieu, l’âme ou les idées au moyen des seules ressources de la raison (les concepts, la logique). Un tel projet théorique vise à nous réconcilier avec le monde.

La raison doit se critiquer elle-même :

La raison doit interroger  ses propres limites. Elle n’a d’usage légitime que dans les sciences où elle montre aussi ses limites, dit Pascal. Opposé au dogmatisme de la métaphysique, Kant propose une attitude critique de la pensée vis-à-vis d’elle-même.

… Et est-ce seulement par la raison qu’on peut accéder au réel ?

Pour Platon, les sens ne nous livrent que l’apparence des objets. La raison nous en fait connaître la réalité en nous permettant d’accéder aux idées dont ils ne sont que la copie.

C’est par la méthode dialectique, donc au moyen du seul discours, qu’on accède à la connaissance du réel. Par le jeu des questions et des réponses et au moyen de l’argumentation, on peut progresser vers la recherche de la vérité.

Dans La République, Platon imagine des hommes prisonniers d’une caverne. Ils prennent les ombres sur les murs pour la réalité. Ils seraient aveuglés si on les amenait au grand jour. Nous sommes tous dans la caverne, nous prenons le sensible pour la réalité et il nous est difficile de nous affranchir des apparences pour progresser jusqu’aux réalités idéales.

En effet, les sens nous trompent souvent. Descartes prend l’exemple du bâton qui, plongé dans l’eau, donne l’illusion d’être rompu. La raison rectifie cette erreur et l’explique par la réfraction. Elle est « la puissance de bien juger et distinguer le vrai d’avec le faux ».

Ce serait pourtant une erreur de croire que la raison permet à elle seule de connaître le réel car l’expérience reste nécessaire pour cela. L’empirisme est la doctrine philosophique qui considère que toutes nos connaissances sont d’abord le résultat de l’expérience.

De plus, notre rapport au réel dépasse la connaissance scientifique. Il n’est pas le fait de la pensée pure mais plutôt du corps et du quotidien, du travail, de l’art, etc. C’est pourquoi Heidegger dénonce la tyrannie du « principe de raison » : calculer, organiser, mesurer, rendre des comptes sont les obsessions de la raison. Il faut donc se garder à la fois de surestimer la raison et de la censurer.

mercredi 12 avril 2023

Fiches de secours pour le bac philo 2023 (5)

 

L’existence humaine…

Penser l’ensemble de l’existence humaine relève de la philosophie. La raison s’offre pour nous éclairer mais rien ne garantit qu’elle soit la seule voie possible tant l’homme reste parfois un mystère pour lui-même. Faudra-t-il constater le caractère insaisissable voire absurde de l’existence humaine ?

Seul l’homme existe au sens fort :

Exister au sens fort implique la conscience de soi. L’homme se représente le cours de son existence, se demande quel sens il peut lui donner. Il est à la fois acteur et spectateur.

Essence et existence :

Le mot existence (du latin sortir de) qualifie au départ la créature par opposition au créateur. En faisant exister les choses, Dieu les fait sortir du néant où elles seraient restées si telle avait été sa volonté. On peut alors les considérer sous le point de vue de l’essence (ce qu’elles sont) ou de l’existence (le fait qu’elles sont). Selon Leibniz, Dieu conçoit ces essences comme des possibles qu’il choisit de faire exister ou non.

Sartre pense le contraire. L’existence précède l’essence. Une fois au monde, l’homme doit se faire lui-même, par ses propres choix, il est donc responsable de ce qu’il est.

La condition humaine :

Sartre retient l’idée de « sortir de soi » car la conscience se projette vers un objet ou un avenir qu’elle veut se donner. Le vertige de la liberté et l’angoisse de la finitude devant l’imperfection de la conscience incitent à parler de condition humaine plutôt que de nature humaine.

…Et peut-on rendre raison de notre existence ?

Pour Leibniz, seule la métaphysique (au-delà des lois physiques de la nature) peut répondre à cette question fondamentale : Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Dieu a créé le meilleur monde possible parmi une infinité de mondes possibles. Le mal y existe dans la perspective d’un plus grand bien. Exemple : Judas trahit le Christ mais Dieu permet cette action pour que les hommes soient sauvés.

Mais toutes les souffrances peuvent-elles trouver une telle justification ? Dans Le concept de Dieu après Auschwitz, Hans Jonas montre que les horreurs nazies sont incompatibles avec toute théodicée (justification religieuse de la bonté par le mal lui-même).

Plus modestement, on peut essayer d’expliquer l’existence par les causes objectives de la science. L’homme n’échappe pas à certains déterminismes (éducation, milieu social, époque historique). Ainsi Auguste Comte veut rendre compte de l’existence humaine au moyen de la sociologie.

Merleau-Ponty préfère évoquer l’expérience vécue, la décrire plutôt que d’en rendre raison.

Selon Kierkegaard, la philosophie a laissé de côté la difficulté de l’angoisse voire du désespoir. Il lui paraît assez vain de vouloir rendre compte de l’existence du monde, il faudrait d’abord donner du sens à sa propre vie.

L’inconscient…

La psychanalyse désigne l’inconscient comme une partie de notre esprit qui nous est inconnue. Pourquoi certaines de nos pensées nous paraissent-elles si étranges ? A quel point l’inconscient détermine-t-il notre caractère et notre façon d’agir ?

Ce qui n’est pas conscient :

L’influence que la société exerce sur nous, dans nos habitudes et nos coutumes, voire l’idéologie, échappe à notre conscience : on n’a pas besoin d’y penser. Mais l’inconscient est un terme surtout employé en psychanalyse. Pour Freud, sont conscients les processus psychiques dont nous avons une perception immédiate. Par opposition, sont inconscients ceux qui sont actifs sans que nous le sachions.

Ce qui est refoulé par la conscience :

Le préconscient peut facilement devenir conscient. L’inconscient reste maintenu à l’écart de la conscience par le refoulement. Il est un ensemble de pensées non seulement inconnues du sujet mais refusées par lui. L’inconscient se heurte à une résistance ou une censure. Freud compare la vie psychique à « une arène où luttent en permanence des tendances opposées.

Ce qui nous détermine :

Sartre réfute l’idée que l’inconscient influencerait notre caractère et nos pensées. Le déterminisme de la psychanalyse est selon lui exagéré car il remet en cause notre liberté.

… Et une pensée peut-elle être inconsciente ?

Pour Leibniz, il faut distinguer « percevoir » et « apercevoir ». Nous ne nous rendons pas compte de toutes les perceptions qui ont lieu dans notre esprit. L’impression ressentie est proportionnelle à celle du stimulus extérieur. Par exemple, l’habitude d’entendre un bruit constant (comme celle d’une chute d’eau) fait qu’on ne le remarque plus alors qu’un bruit inhabituel attire notre attention. On peut donc également penser sans nous en apercevoir, de façon inconsciente.

Mais l’idée d’une pensée inconsciente est-elle vraiment pensée ? Le verbe penser signifie former des représentations : juger, imaginer, désirer, vouloir… Elles supposent nécessairement une forme de conscience. Selon Descartes, l’esprit est « la chose pensante ».

Ce que nous faisons sans y penser relève plutôt du corps que de l’esprit. La digestion et la  circulation du sang se font inconsciemment. De même on fait ses lacets sans y penser. C’est que la pensée ne se réduit pas à la conscience. C’est dans les moments de crise intérieure ou d’hésitation que nous sommes le plus conscients mais, le reste du temps, la pensée s’élabore sans attention particulière car la conscience n’est pas sollicitée.

La pensée doit être redéfinie comme vie intérieure qui se déroule sans que nous en soyons informés. Nietzsche considère dans Le gai savoir que tous les êtres vivants, à leur manière, pensent « même s’ils ne le savent pas. La pensée désigne une vie intérieure et intime, à la fois plus confuse, plus profonde et moins contrôlable, car elle est l’expression de l’instinct.

mardi 11 avril 2023

Lussac-les-Châteaux, ses piles et ses livres

Lussac-les-Châteaux est située à 36 km de Poitiers et à 11 km de Montmorillon. Proche du parc naturel régional de la Brenne, elle est traversée par la Vienne et comptait en 2020 plus de 2200 habitants.

Il y avait à Lussac une importante activité préhistorique à l'époque magdalénienne (- 16 500 - 14 500). Des vestiges de l'industrie lithique et des os de bovins, d'équidés et d'hyènes en témoignent. Plusieurs grottes à l'entour (grotte de la Marche, grotte des Fadets...) suscitent encore aujourd'hui l'intérêt des spéléologues et des préhistoriens.

Les ruines du château dont ne restent que les piles et le trésor monétaire découvert en 2015 (pièces des XIIIème et XIVème siècles à l'effigie du Prince noir fils du roi d'Angleterre Edouard III) attestent qu'il y eut à Lussac-les-Châteaux bien des remuements au Moyen Age.


Mais venons-en au présent. Lauréat du prix Georges Bonnet 2023 (décerné par Angèle Koster de la société des auteurs du Poitou-Charentes), je me suis rendu à  Lussac-les-Châteaux avec ma compagne Brigitte Giraud et Christine Saint-Geours des éditions Aux cailloux des chemins. Nonobstant ma grande fatigue depuis que j'ai contracté une sarcoïdose, quelle joie de découvrir la belle médiathèque de la Sabline au coeur de la ville et de ses livres ! Ouverte au patrimoine local et préhistorique avec un espace muséal au premier étage (classé comme musée de France), La Sabline accueille en son sein la MJC et toutes sortes d'expressions contemporaines (spectacle vivant, expositions : Poétiques de la rouille par Christine Lemaire en 2018, Les machines extraordinaires de Jules Verne en 2019, Influences nippones en 2022 et, en ce moment, Les aventures de Sacré Coeur par Laurent Audoin auteur de bande dessinée). Alors que notre époque bat de l'aile, il est primordial de saluer le travail obstiné de cette médiathèque conduite par Angélique Dalbin-Ferrari et de toutes les autres, au jour le jour porté par des projets culturels qui rappellent qu'il y a plus à admirer chez l'homme qu'à mépriser, comme le répétait Camus. Notons également le rôle majeur des équipes municipales (ici celle de Jean-Luc Madej) dans l'accompagnement de ces structures qui constituent une exception française.

Outre la remise du prix et de son trophée réalisé par le peintre- verrier Sébastien Trouvé, deux joies se sont offertes à nous. Une jeune fille de douze ans a musardé quelques instants autour de la table des éditions Aux cailloux des chemins puis, se décidant enfin, a sorti de son sac le carnet où elle consigne à la main les poèmes qu'elle écrit. "Euh ! c'est un peu noir, a-t-elle murmuré." Je lui ai répondu qu'on ne fait pas de littérature avec de bons sentiments comme dans l'actuel et pitoyable courant feel good. De fait, ses textes ne sont pas gais. Elle compare sa "chambre noire" à un "abattoir". Brigitte Giraud et Christine Saint-Geours  ont joint leurs voix à la mienne pour l'encourager à continuer et le recueil Please de Derek Munn lui a été offert. Personne ne peut prédire ce qu'il adviendra de cette jeune fille au plan littéraire mais qu'il est doux d'imaginer que et que...

La deuxième joie fut la venue, en voisins amicaux, de Pierre Rosin et d'Yvette Cremonese avec leur amie Laurence Charron, guitariste classique. Cette sensation renouvelée d'être simplement bien avec eux (depuis Sète et Poitiers en 2021) et pas seulement parce qu'ils écrivent, dessinent et peignent, sculptent, jouent de la musique. Et nous eûmes le plaisir de déguster quelque vin de bon aloi servi par monsieur le maire en personne. Que serait le plaisir de la langue sans le plaisir de la bouche ?


Le soir, après une visite à l'étang baignant dans les ombres perlées d'avril, nous avons dîné au restaurant Les Orangeries qui est aussi un hôtel de charme classé parmi les meilleurs en Europe. Leur devise est : "Nous explorons un art de vivre humaniste, riche de son passé et gourmand de son présent tout en étant acteur d'un futur désirable." Cet art s'est retrouvé dans nos assiettes avec d'exquises noix de Saint-Jacques accompagnées de légumes oubliés fort délicats.

Le lendemain matin, nous en revenant à Bordeaux par la nationale 10, nous sommes passés près de Mansle puis au large de Ruelle où j'ai quelques souvenirs de l'enfance et de plus tard. Et j'ai de nouveau évoqué Pierre Boujut qui lut mes premiers poèmes quand j'avais 14 ans. Sur mon carnet bleu... J'aime ces menues répétitions de la petite histoire. Comment elles nous font et défont, puis refont, dans le mouvement fragile des banalités.

lundi 10 avril 2023

Fiches de secours pour le bac philo 2023 (4)

L'Etat...

L'Etat évoque le président de la République, les services publics qu'il assure (impôt, école, hôpital, police...) et le territoire qui délimite son champ d'action. Une réflexion philosophique permet de clarifier et d'articuler ces différentes dimensions.


Une réalité historique

L'Etat est une forme d'organisation sociale spécifique à distinguer d'autres types de groupements humains (tribu, clan, cité antique). Elle a connu de nombreuses évolutions au cours des siècles depuis les monarchies absolues jusqu'aux Etats démocratiques contemporains. 

Un concept politique et juridique :

L'Etat est défini comme l'autorité suprême qui s'exerce sur un peuple. Il ne doit pas être confondu avec les gouvernants. Les responsables d'un gouvernement changent, l'Etat reste. Le pouvoir étatique est permanent. Intemporel, situé au-dessus de la société, garant des lois communes, il veille (en principe) au bien de tous sans être la propriété de personne.

Un outil au service de la société :

Les services publics de l'Etat permettent d'harmoniser les relations entre les différents acteurs de la société civile (individus, associations, entreprises...). Ils garantissent (en principe) que les intérêts particuliers ne mettent pas en péril le bien commun. 


... Et une société sans Etat ?

L'Etat étant souvent perçu comme une institution trop rigide, la tentation d'imaginer une société dont les membres seraient capables de veiller par eux-mêmes à la satisfaction de leurs besoins est forte.

Selon Thomas Hobbes, la rivalité pour obtenir des biens, la méfiance pour protéger ces biens et la fierté qui pousse les individus à des luttes pour le prestige sont le propre de l'homme et donc incompatibles avec une société sans Etat. Les hommes sont par nature incapables de vivre en harmonie  s'ils ne sont pas soumis à une puissance supérieure.

Les hommes possèdent cependant un langage commun et la raison pour communiquer et s'entendre, et ainsi dépasser leurs conflits en prenant des décisions collectives. C'est le point de vue d'Aristote qui considère que l'homme est par nature un animal sociable et politique.

Il existe en effet des exemples historiques de collectivités organisées fonctionnant sans autorité supérieure. L'ethnologue Pierre Clastres montre qu'il existe des micro sociétés en Amazonie qui refusent toute hiérarchie et tout pouvoir institué supérieur aux membres du groupe. Ces arguments ne suffisent pas à prouver qu'une société moderne pourrait se passer d'un Etat mais montrent qu'on peut imaginer des rapports sociaux pacifiques et durables sans sa présence.

Le projet d'une société sans Etat devient légitime si on considère que l'Etat favorise certains intérêts particuliers au détriment du bien commun. Selon Marx, l'Etat est un "boa constrictor qui enserre le corps social" au service de la classe dominante qui contrôle la production économique. 

La position radicale de l'anarchisme estime que l'Etat est une institution superflue voire dangereuse qui empêche la société de développer son plein potentiel. De la disparition de l'Etat ne naîtrait pas le chaos mais, au contraire, l'ordre spontané d'une société apte à s'organiser elle-même.

Il reste difficile d'imaginer nos sociétés actuelles privées d'un pouvoir centralisé mais réfléchir à une société sans Etat n'est pas inutile. Selon Locke, les peuples ont un droit de résistance lorsque l'autorité légale viole leurs droits fondamentaux (égalité devant la loi, liberté de la presse...)

PS : Les (en principe) sont de la main du rédacteur...


jeudi 6 avril 2023

Fiches de secours pour le bac philo 2023 (3)

 

La culture et...

La culture englobe toute activité ou production humaine. Transmise de génération en génération, elle définit notre identité au niveau des individus, des groupes sociaux, des nations et même de l’espèce humaine. Elle s’opposerait donc à ce qu’il y a de naturel, d’inné, voire de sauvage en l’homme. Pour certains, elle marque la rupture avec le règne animal. Pour d’autres, elle n’est qu’un vernis qui cache mal notre nature profonde.

La transformation de la nature par l’homme :

La culture est une réalité universelle qui comprend des productions matérielles (vêtements, outils, œuvres d’art…), intellectuelles (langues, idées…) et morales (habitudes, valeurs, croyances…) Elle se réfère aux éléments qui sont acquis, inventés ou créés par l’homme, puis transmis à travers les générations. Le phénomène culturel est donc au fondement de l’histoire humaine.

Un ensemble particulier d’institutions :

Dans une perspective sociologique ou ethnologique, la culture est un ensemble de pratiques propres à une société précise. La culture de la corrida en Espagne par exemple, celle du théâtre No au Japon… Ces différents systèmes culturels évoquent la notion de civilisation qui induit parfois une hiérarchie entre les cultures. Certaines seraient plus évoluées, « le ballet classique à Paris » par exemple, et d’autres plus barbares, « les danses africaines ». Danger de racisme.

Un développement individuel :

La culture désigne ici l’ensemble des connaissances acquises par un individu qui lui permet de développer ses idées, ses goûts, son jugement.

…La dénaturation de l’homme ?

Pour Jean-Jacques Rousseau, la faculté de se perfectionner, qui fait de l’homme un être de culture, l’éloigne de la nature et devient la source de tous ses malheurs.  L’homme « retombe plus bas que la bête » lorsqu’il oublie ou est privé de ce qu’il a acquis. Ne possédant plus l’instinct propre à l’animal, il est alors démuni. Et devient moins bon, voire mauvais. Les guerres, les crimes, l’esclavage en témoignent tout au long de l’histoire. Rousseau émet l’hypothèse que l’homme primitif est innocent.

Pour Edgar Morin, cette question n’est pas bonne. Les évolutions culturelles et anatomiques de notre espèce ont toujours été interdépendantes, les avancées des premières rendant à chaque fois possibles les secondes et réciproquement. L’espèce humaine se caractériserait donc par le changement et l’acquisition plutôt que par une nature stable et définie une fois pour toutes.

Et Jean-Paul Sartre ajoute que l’homme s’invente lui-même au gré de ses projets. Son existence seule le définit.

Difficile en tout cas de distinguer en nous ce qui relève de l’inné et de l’acquis.

Le devoir et…

Les parents doivent éduquer leurs enfants, le soldat fait son devoir en tuant des hommes et les citoyens doivent obéir à la loi. Le devoir désigne ici un principe d’action qui semble s’opposer au plaisir ou à la liberté. Mais aider un vieil homme à traverser la rue relève aussi du devoir. Dans ce cas, il nous semble que nous sommes libres de ne pas le faire. Nous le faisons car une voix intérieure nous y incite. D’où vient-elle ? Comment s’est-elle formée en nous ?

Un principe d’action :

Ce principe circonscrit mes obligations. Ce que je dois faire découle d’une loi ou d’un règlement qui détermine ma fonction ou mon statut. Par exemple, un fonctionnaire ne doit pas afficher ses opinions politiques ou religieuses. Cette obéissance fait-elle obstacle à notre liberté ? Le devoir est-il une nécessité, une contrainte ? Un citoyen reste libre d’obéir ou non à telle ou telle loi qui lui semble injuste. Mais de là à dire que le devoir s’adresse toujours à un être libre, le modeste rédacteur que je suis émet des doutes…

Une obligation morale :

Elle ne se réfère pas à un règlement ou à une loi mais au bien du point de vue moral. Mais comment la morale nous prescrit-elle ses obligations ? Sont-elles absolues ou seulement relatives ? Selon Kant, chacun peut découvrir ses devoirs absolus en écoutant sa raison.

… Le devoir d’aimer autrui

Dans les Evangiles, Jésus dit : « vous aimerez votre prochain comme vous-même. » Mais comment un sentiment peut-il faire l’objet d’un impératif ? Kant distingue l’amour qui n’émane pas de notre volonté et la bienveillance qui, elle, relève d’un acte volontaire. Efforcez-vous de faire du bien à autrui, que vous l’aimiez ou non.

Pouvons-nous cependant faire le bien indépendamment de notre sensibilité et de notre intérêt ? Dans Le Fondement de la morale, Schopenhauer soutient qu’aucun homme ne peut faire abstraction de sa sensibilité. La forme impérative prise par la morale n’appartient qu’à la morale théologique. Elle reste une abstraction vers laquelle rien ne nous attire.

Et pourtant des actes de justice et de charité existent. Ils ne proviennent pas d’une loi morale mais d’une intuition. Par-delà les siècles et les continents, les différences religieuses et culturelles, nous savons où est notre devoir. Car nous sommes capables de compassion, dit Rousseau qui voit là un « sentiment naturel ».

De la compassion seule découlent les devoirs de justice qui nous portent à ne pas vouloir nuire aux autres et les devoirs de charité qui nous portent à les aider. Le devoir n’est donc pas un principe d’action abstrait. Au contraire, nous en avons l’intuition immédiate sous la forme d’ « un acte dont la simple omission par moi cause à autrui un dommage, c’est-à-dire, lui fait injustice ».

Nous avons le devoir de compassion car il nous lie à l’ensemble des êtres vivants, en qui nous reconnaissons notre profonde identité, et que nous devons aider.

mardi 4 avril 2023

Fiches de secours pour le bac philo 2023

La connaissance et…

La connaissance définit pour une grande part l’idéal philosophique. Mais par quels moyens peut-on connaître et dans quelles limites ? Faut-il plutôt insister sur le plaisir de connaître ou sur les efforts exigés ?

La connaissance pour élaborer la réalité :

La connaissance est à la fois l’acte par lequel la pensée élabore une représentation vraie et justifiée de la réalité. Cette représentation est elle-même une connaissance. Platon et Aristote la considèrent comme le plaisir le plus pur car elle rapproche les hommes du secret des dieux.

Mais connaître est-il possible ? Le dogmatisme l’affirme, quitte à s’enfermer dans des rigidités intellectuelles : La vérité existe et peut donc être connue. Le scepticisme, fondé sur le doute, considère que la vérité n’est pas à notre portée.

Les facultés de connaître :

L’empirisme voit la source de nos connaissances dans l’expérience que l’on fait et le rationalisme invoque les idées forgées par la raison. Finalement, l’idée d’une coopération entre la sensibilité (qui éprouve la réalité) et l’entendement (qui tente de l’analyser) met en lien ces deux points de vue.

Les limites de la connaissance :

L’esprit humain ne peut tout connaître. Dans la Critique de la raison pure, Kant limite le champ du savoir en distinguant connaissance et pensée. Pour la phénoménologie, la connaissance objective décrit ce qui apparaît aux sens et l’expérience vécue.

… Désir de vérité      

Pour Aristote, le désir de connaissance naît de l’étonnement devant les objets proches (physique, biologie) et les plus lointains (astronomie, théologie).  La connaissance est voulue pour elle-même, est en elle-même désirable et comble la partie la plus élevée de l’esprit, la raison.

Mais la connaissance a aussi des fins utilitaires. Socrate raconte que Thalès tomba dans un puits alors qu’il observait les étoiles. Il avait oublié ce qu’il y avait sous ses pieds.

Bacon considère que toute connaissance est une connaissance par les causes qui sont à l’œuvre dans la nature et nous rend capables de produire des effets par la technique. Descartes parle de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la Nature » et de transformer la vie des hommes au point de supprimer, un jour, qui sait, le travail et la mort.

Enfin, en deçà du désir de vérité, la psychanalyse considère les motivations inconscientes de la connaissance. La « pulsion de savoir », selon Freud, puise son énergie dans la curiosité sexuelle du petit enfant. Nietzsche, quant à lui, refuse d’y voir l’expression d’un désir. Il y voit plutôt une crainte et même une certaine angoisse devant l’étranger et l’inhabituel.

On ne peut faire dériver la connaissance du seul désir de vérité. Le caractère utilitaire de la connaissance nous en empêche. Il faudrait une enquête critique sur les secrets de ce désir.

La conscience et…

La conscience est un savoir qui nous accompagne lorsque nous pensons. Elle nous relie au monde, nous renseigne sur notre identité et permet de discerner le bien du mal. Quelles sont ses fonctions et ses limites ?

Une ouverture au monde :

Contrairement aux choses, qui sont seulement dans le monde, l’homme est face au monde : il le connaît et le transforme. La conscience introduit une séparation entre le sujet qui pense et l’objet qui est pensé. Cette faculté d’ouvrir à un dehors s’appelle l’intentionnalité.

Un retour sur soi :

La conscience peut aussi se prendre elle-même pour objet. Elle devient conscience réflexive. Le sujet peut faire son examen de conscience, s’observer et se juger lui-même.

La conscience instaure également une distance par rapport à soi-même. Elle permet de conserver des images du passé et d’anticiper l’avenir. Elle est donc pour l’homme une conscience du temps et de la mort.

Une capacité morale :

Capable de distinguer le bien et le mal, la conscience s’oppose à l’instinct qui est une détermination naturelle. Dans la Métaphysique des mœurs, Kant la compare à une voix terrible qui ordonne de conformer nos actions à notre devoir.

…Les illusions

La conscience amène les hommes à se croire maîtres de leurs désirs et de leur conduite. Spinoza y voit une illusion produite par l’ignorance. Les hommes ignorent les causes par lesquelles ils sont déterminés et négligent l’influence d’éléments extérieurs sur leurs désirs. « le bébé croit librement appéter (aimer) le lait, l’enfant en colère croit vouloir la vengeance, et le peureux, la fuite ». Pour lui, la conscience est seulement partielle.

Et donc nous nous trompons. Descartes considère que l’erreur vient en général d’un défaut de méthode : nous devons nous garder de juger de façon précipitée et bien examiner les choses. Il prend l’exemple du bâton plongé dans l’eau et qui apparaît brisé à notre œil. Cette illusion d’optique peut être corrigée par le raisonnement puisqu’elle peut facilement être expliquée par un phénomène de réfraction. Ce sont là nos sens qui nous trompent. Le jugement vrai reste possible grâce à un bon usage de la pensée.

Mais la conscience peut aussi fabriquer ses propres illusions… et prendre ses désirs pour la réalité. Acquérir un point de vue plus lucide sur le monde et sur soi-même est cependant possible. En accroissant par exemple la connaissance objective (celle notamment, selon Marx, des rouages économiques qui permettent d’avoir une vision plus claire de la société et par là de soi-même. Le passage par une autre conscience dans le cadre d’une cure psychanalytique ou dans l’expérience du quotidien occasionnent par le dialogue (avec un thérapeute ou un ami) des remises en question nécessaires.

lundi 3 avril 2023

Fiches de secours pour le bac philo 2023

 L’art et…

L’art est une activité par laquelle on produit quelque chose. Si les artisans fabriquent des objets utiles, les artistes créent des œuvres que nous valorisons pour leur beauté. La diversité des productions artistiques dans toutes les civilisations en fait une dimension essentielle de la culture. Qu’on soit spectateur ou producteur, amateur ou professionnel, nous sommes sensibles à l’art parce qu’il manifeste la liberté et la puissance de l’esprit humain.

 

Une imitation sélective :

Selon la conception classique d’Aristote dans la Poétique, l’artiste doit imiter le réel avec habileté et sélectionner avec soin ce qu’il imite. Par exemple, le peintre Zeuxis choisit plusieurs modèles de jeunes filles pour représenter un idéal de la beauté féminine car aucune d’elles n’était une incarnation parfaite de la beauté. Le réel est rarement l’expression de l’idéal.

Pour le spectateur, le plaisir vient non seulement de la beauté du résultat mais aussi d’une certaine séduction exercée par l’art capable de créer l’illusion : on aime se raconter une histoire, s’identifier à des personnages, être surpris ou trompé par les formes qu’on perçoit.

Une expression de l’esprit :

Avec l’art moderne, une œuvre n’est plus une fidèle copie du réel et ne prétend plus être belle. Sa valeur est davantage liée à l’esprit et à la liberté d’un artiste. Aujourd’hui, notamment dans le cadre des performances, c’est l’artiste lui-même qui s’expose.

 

…Le beau

Pour Hume, on dit qu’une chose est belle quand on éprouve le plaisir des sens. Et si l’objet a de plus une utilité, il sera d’autant plus facile de l’apprécier. Intervient alors le jugement de goût qui varie selon les milieux sociaux et les époques. Il s’applique à l’art mais aussi à un paysage, le chant d’un oiseau…

Ce jugement de goût est nécessairement subjectif. Comme dit Bachelard, l’esprit poétique s’oppose à l’esprit scientifique en ce qu’il projette ses émotions sur le monde au lieu d’essayer de le voir tel qu’il est. On parle alors de jugement esthétique (du mot grec aisthesis « sensation). Impossible donc, de répondre à la question : « Qu’est-ce que le beau ? » Un certain Hippias répond à Socrate : « Le beau, c’est une belle jeune fille. » Et Socrate de lui montrer qu’il s’agit seulement d’un exemple et non d’une définition. Un cheval peut être beau, une marmite aussi.

Enfin, pour Kant, le beau nous intéresse parce qu’il présente une analogie avec le bien. Il nous fait entrer dans un plaisir désintéressé distinct de l’agréable. « Le beau est le symbole du bien moral », écrit-il dans la Critique de la faculté de juger.

 

 

Le bonheur et…

L’homme est un éternel insatisfait. Il veut toujours avoir plus pour atteindre un bonheur supérieur. Cette quête n’est pas qu’un problème pratique. Certains pensent que le bonheur est une affaire de chance alors que d’autres en font un véritable programme politique, (la vie radieuse en Corée du Nord par exemple…). Comment la philosophie peut-elle nous aider à penser le bonheur ?

 

Un idéal difficile à définir :

Le bonheur n’est pas simplement le plaisir ou la joie. C’est un état de satisfaction totale et durable où nos aspirations les plus importantes sont réalisées. Défini comme le but ultime de l’existence, il oriente plus ou moins toutes nos actions. Mais Sénèque observe : « Tout le monde veut une vie heureuse, mais lorsqu’il s’agit de voir clairement ce qui la rend telle, c’est le plein brouillard. » L’argent ne fait pas le bonheur, la santé est nécessaire mais ne suffit pas. Quant à l’amour, il apporte autant de soucis que de satisfactions… Nos désirs étant souvent contradictoires et les principes généraux de l’amitié, de l’amour étant si flous, que le bonheur reste un idéal mal identifié, « un idéal de l’imagination » selon Kant.

Une entreprise personnelle :

La quête du bonheur est limitée par la nécessité du devoir moral et l’obéissance aux lois. Un être civilisé s’impose des obligations et restreint ses satisfactions, dit Freud. Le but égoïste du bonheur individuel peut nous conduire à préférer notre intérêt au détriment de celui d’autrui.

Rien ne nous empêche, cependant, de cultiver notre jardin à la façon de Voltaire. En privilégiant une forme de sagesse et de connaissance de soi, en essayant de profiter simplement de l’instant présent.

… La succession des plaisirs

Platon prête à Calliclès dans Gorgias des propos radicaux. Pour lui, les valeurs morales ne sont que des conventions voulues par la masse des faibles pour se protéger des individus forts. La vie n’a pas d’autre sens que la recherche effrénée du plaisir, au mépris des lois et de la morale. La conception de Socrate se trouve évidemment à l’opposé : le bonheur se trouve dans une vie tempérante (modérée dans l’usage des plaisirs) consacrée à la recherche de la sagesse.

Le renouvellement de la satisfaction, promis notamment par la société de consommation, lasse rapidement. Il faut donc varier les plaisirs. C’est le point de vue de l’hédonisme : la vie est courte, il faut profiter du jour présent sans trop penser au lendemain.

Mais l’ivresse du plaisir indique plus probablement un malheur qu’on veut oublier. Dans les Pensées, Pascal dit du divertissement qu’il est une activité plus ou moins futile  qui nous évite de penser à notre misère, à savoir notre crainte de la mort.

Il faut donc sélectionner les plaisirs. Le secret de la vie heureuse se trouve dans le discernement pour maintenir l’absence de trouble (ataraxie). C’est le point de vue des épicuriens.