rue Rodrigues-Péreire, 1
Immeubles et maisons dont j'imagine, côté jardin, la profondeur close par des hauts murs. Là, peut-être, une terrasse coiffée d'indienne à rayures bleues, avec des lampes anti-moustiques pour les soirs d'été. Quelques chaises longues destinées au repos ou à l'ennui. Mon pas devient nonchalent. Je suis en avance à mon rendez-vous. Je m'enfonce davantage dans la rue. Les maisons sont moins hautes, la pierre moins noble. De simples noms sous des sonnettes, souvent illisibles, annoncent des logis ordinaires. Mon imagination se met à leur mesure. Les jardins, ici, ne prédisposent pas à l'ennui raffiné des oisifs. On verra, sous un abri ouvert, des outils et des pots de peinture, quelques vieux jouets répudiés. Je continue encore à marcher car je suis vraiment en avance à mon rendez-vous. J'évite des poubelles dont le trop plein s'est répandu sur le trottoir. Je veille à ne pas mouiller mes chaussures dans le caniveau. Et je tombe en arrêt devant un mur couvert de glycine, dressé comme un décor de théâtre. L'image d'une peinture bien léchée s'impose à moi. Des feuilles trop dessinées, le report des ombres trop décalqué puisque, évidemment, un fort soleil inonde le tableau. Ne reste plus qu'à inventer un cadre de faux bois et sa place dans la salle de séjour, parmi les dentelles de grand-mère achetées en vrac et les photos d'un voyage au bord de la mer.
(off)
Le matin à sept heures moins le quart, le paysage, comme les hommes, n'a pas fini sa nuit. Les rails du tram ont des lueurs encore sourdes. Les pavés entre eux pourraient s'affaisser sans qu'on s'en étonne. Les panneaux lumineux, qui annoncent sur le quai le passage de la prochaine rame, affichent des lettres incertaines, brouillent l'alphabet des heures. Seule une voix de femme pré enregistrée conserve sa fraîcheur en distillant ses conseils aux voyageurs. Validation des tickets et des cartes. Interdiction des vélos en période d'affluence. Incitation à la politesse élémentaire quand un handicapé monte à bord.
Je fais les cent pas.
Je jette un œil à l'intérieur du bureau de tabac qui fait aussi bar et dépôt de presse. Des cafés fument sur des tables écrasées par l'éclairage trop vif. Une chaîne d'info permanente matraque déjà les oreilles. On vient là pour se réveiller. Il faut de la lumière, du bruit. Je continue à faire les cent pas et je relève mon col même si la température est douce. Je reconnais une habituée de la ligne B. Je lui adresse ou non un signe de tête. Il me plaît d'imaginer qu'elle travaille dans une boulangerie, qu'elle va vendre des croissants chauds à des gens qui eux aussi sont en train de se réveiller. L'arrivée du tram ne me distrait pas de ce que j'aime échafauder. L'ancienne raffinerie de sucre, les vivres de la marine et ceux de l'art près d'une casemate allemande, les bassins à flot composent dans mon esprit un film lent mais sans personnages. Leur moment viendra plus tard, quand le jour sera vraiment debout, et ils n'auront pas besoin de moi, pour exister.
Immeubles et maisons dont j'imagine, côté jardin, la profondeur close par des hauts murs. Là, peut-être, une terrasse coiffée d'indienne à rayures bleues, avec des lampes anti-moustiques pour les soirs d'été. Quelques chaises longues destinées au repos ou à l'ennui. Mon pas devient nonchalent. Je suis en avance à mon rendez-vous. Je m'enfonce davantage dans la rue. Les maisons sont moins hautes, la pierre moins noble. De simples noms sous des sonnettes, souvent illisibles, annoncent des logis ordinaires. Mon imagination se met à leur mesure. Les jardins, ici, ne prédisposent pas à l'ennui raffiné des oisifs. On verra, sous un abri ouvert, des outils et des pots de peinture, quelques vieux jouets répudiés. Je continue encore à marcher car je suis vraiment en avance à mon rendez-vous. J'évite des poubelles dont le trop plein s'est répandu sur le trottoir. Je veille à ne pas mouiller mes chaussures dans le caniveau. Et je tombe en arrêt devant un mur couvert de glycine, dressé comme un décor de théâtre. L'image d'une peinture bien léchée s'impose à moi. Des feuilles trop dessinées, le report des ombres trop décalqué puisque, évidemment, un fort soleil inonde le tableau. Ne reste plus qu'à inventer un cadre de faux bois et sa place dans la salle de séjour, parmi les dentelles de grand-mère achetées en vrac et les photos d'un voyage au bord de la mer.
(off)
Le matin à sept heures moins le quart, le paysage, comme les hommes, n'a pas fini sa nuit. Les rails du tram ont des lueurs encore sourdes. Les pavés entre eux pourraient s'affaisser sans qu'on s'en étonne. Les panneaux lumineux, qui annoncent sur le quai le passage de la prochaine rame, affichent des lettres incertaines, brouillent l'alphabet des heures. Seule une voix de femme pré enregistrée conserve sa fraîcheur en distillant ses conseils aux voyageurs. Validation des tickets et des cartes. Interdiction des vélos en période d'affluence. Incitation à la politesse élémentaire quand un handicapé monte à bord.
Je fais les cent pas.
Je jette un œil à l'intérieur du bureau de tabac qui fait aussi bar et dépôt de presse. Des cafés fument sur des tables écrasées par l'éclairage trop vif. Une chaîne d'info permanente matraque déjà les oreilles. On vient là pour se réveiller. Il faut de la lumière, du bruit. Je continue à faire les cent pas et je relève mon col même si la température est douce. Je reconnais une habituée de la ligne B. Je lui adresse ou non un signe de tête. Il me plaît d'imaginer qu'elle travaille dans une boulangerie, qu'elle va vendre des croissants chauds à des gens qui eux aussi sont en train de se réveiller. L'arrivée du tram ne me distrait pas de ce que j'aime échafauder. L'ancienne raffinerie de sucre, les vivres de la marine et ceux de l'art près d'une casemate allemande, les bassins à flot composent dans mon esprit un film lent mais sans personnages. Leur moment viendra plus tard, quand le jour sera vraiment debout, et ils n'auront pas besoin de moi, pour exister.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire