"Toute une vie bien ratée" ne veut pas dire une vie mal réussie. Ah ! Tiens ! Le titre de l'article parle de Zweig et il est question de Pierre Autin-Grenier. Encore une cocasserie de blogueur en mal d'originalité ? Même pas. Je suis seulement heureux d'avoir enfin découvert Pierre Autin-Grenier. Je le prenais pour un écrivain trop sérieux, voire rébarbatif, et je tombe sur un désespéré rigolo, un poil anar même deux, amateur de blanc sec sur le zinc, de tripailles lyonnaises, de clopes qui empestent le maïs et j'en passe. J'aime surtout l'art de vivre à contre-courant de notre époque malade qu'il distille dans ses miniatures, en un style faussement léger qui n'appartient qu'à lui :
"Tu vois, je crois qu'en fait ce que j'aime bien, là où je suis le mieux je veux dire, c'est précisément dans ce nulle part qui mène d'un point à un autre ; parce qu'être amarré au port ou dériver en ville c'est la même fragilité de vivre et que partir pas plus qu'arriver n'a jamais été mon métier."
Et puis vous savez, un individu gourmand d'andouillettes et de Gigondas, ne peut pas être entièrement mauvais. Goguenard, narquois, sarcastique à l'occasion, brocardant avec jubilation tous les travers des quidams comme ceux des institutions, ça oui, mais, dans le même temps, je le sens dans chaque ligne, un être libre, un amoureux des femmes, un amoureux de l'amitié, bref un chic type doublé d'un styliste parmi les meilleurs.
Oui, bon d'accord, mais Stefan Zweig dans tout ça ? Le lien est simple. Quand j'ai acheté Pierre Autin-Grenier, en même temps que Marc Villemain, je venais de terminer Lettre d'une inconnue, de Zweig donc, alors je me suis offert Clarissa. Et je suis envoûté. Je n'avais pas lu l'auteur d'Amok depuis... bref... et je me dis que tout blanc bec que j'étais je n'avais rien saisi de la profondeur qu'on trouve dans cette langue. Pas étonnant que Zweig ait fréquenté Freud. Et sa puissance vient de ce que son écriture s'insinue dans les méandres de l'inconscient sans faire de psychanalyse. Tenez, je vous offre l'incipit de Clarissa que je pressens comme une aînée de Lol V. Stein.
" Quand Clarissa, bien des années plus tard, s'efforçait de se souvenir de sa vie, elle éprouvait des difficultés à en retrouver le fil. Des espaces entiers de sa mémoire semblaient recouverts de sable et leurs formes étaient devenues totalement floues, le temps lui-même passait au-dessus, indistinct, tels des nuages, dépourvu de véritable dimension. Elle parvenait à peine à se rendre raison d'années entières, tandis que certaines semaines, voire des jours et des heures précis et qui semblaient dater de la veille, occupaient encore son âme et son regard intérieur ; parfois, elle avait l'impression, le sentiment de n'avoir vécu qu'une partie infime de sa vie de façon consciente, éveillée et active, tandis que le reste avait été perçu comme une sorte de somnolence et de lassitude, ou comme l'accomplissement d'un devoir vide de sens."
Je suis prêt à parier que Pierre Autin-Grenier pourrait s'identifier à Clarissa comme je le fais moi-même. Oui, mais parier quoi ? Une andouillette "of course" ! Et un verre de Gigondas, euh deux, et comme ce serait un dimanche lourd de pluie, toute la bouteille y passerait. "Of course" !
"Tu vois, je crois qu'en fait ce que j'aime bien, là où je suis le mieux je veux dire, c'est précisément dans ce nulle part qui mène d'un point à un autre ; parce qu'être amarré au port ou dériver en ville c'est la même fragilité de vivre et que partir pas plus qu'arriver n'a jamais été mon métier."
Et puis vous savez, un individu gourmand d'andouillettes et de Gigondas, ne peut pas être entièrement mauvais. Goguenard, narquois, sarcastique à l'occasion, brocardant avec jubilation tous les travers des quidams comme ceux des institutions, ça oui, mais, dans le même temps, je le sens dans chaque ligne, un être libre, un amoureux des femmes, un amoureux de l'amitié, bref un chic type doublé d'un styliste parmi les meilleurs.
Oui, bon d'accord, mais Stefan Zweig dans tout ça ? Le lien est simple. Quand j'ai acheté Pierre Autin-Grenier, en même temps que Marc Villemain, je venais de terminer Lettre d'une inconnue, de Zweig donc, alors je me suis offert Clarissa. Et je suis envoûté. Je n'avais pas lu l'auteur d'Amok depuis... bref... et je me dis que tout blanc bec que j'étais je n'avais rien saisi de la profondeur qu'on trouve dans cette langue. Pas étonnant que Zweig ait fréquenté Freud. Et sa puissance vient de ce que son écriture s'insinue dans les méandres de l'inconscient sans faire de psychanalyse. Tenez, je vous offre l'incipit de Clarissa que je pressens comme une aînée de Lol V. Stein.
" Quand Clarissa, bien des années plus tard, s'efforçait de se souvenir de sa vie, elle éprouvait des difficultés à en retrouver le fil. Des espaces entiers de sa mémoire semblaient recouverts de sable et leurs formes étaient devenues totalement floues, le temps lui-même passait au-dessus, indistinct, tels des nuages, dépourvu de véritable dimension. Elle parvenait à peine à se rendre raison d'années entières, tandis que certaines semaines, voire des jours et des heures précis et qui semblaient dater de la veille, occupaient encore son âme et son regard intérieur ; parfois, elle avait l'impression, le sentiment de n'avoir vécu qu'une partie infime de sa vie de façon consciente, éveillée et active, tandis que le reste avait été perçu comme une sorte de somnolence et de lassitude, ou comme l'accomplissement d'un devoir vide de sens."
Je suis prêt à parier que Pierre Autin-Grenier pourrait s'identifier à Clarissa comme je le fais moi-même. Oui, mais parier quoi ? Une andouillette "of course" ! Et un verre de Gigondas, euh deux, et comme ce serait un dimanche lourd de pluie, toute la bouteille y passerait. "Of course" !
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