" Je ne comprends pas tout, sauf le désespoir qu'on triture dans nos assiettes, qu'on liquide dans nos verres. Les ténèbres, ce noir ahurissant que je partage. J'en avais assez, moi aussi, de toutes ces ornières, du trébuchement ; de cette manivelle qui revient apparemment au même point mais qui porte en elle sa pierre d'achoppement et qui me renvoie durement à mon impuissance, à la vanité des choses même à celles qui nous sont importantes, l'amitié."
Ainsi parle Pierrot de l'inexorable dépeçage auquel se condamnent Irène et Nestor dans leur maison des confins entre bois et falaises. Le corps, l'esprit, les mots constituent une seule et même forme difforme de laquelle aucune vérité ne pourra jamais advenir. Irène et Nestor hantent ce qui les hante jusqu'au basculement définitif dans le silence assourdissant de la folie.
Le roman de Catherine Ysmal me semble assez proche de l'univers obsessionnel de Louise Bourgeois.
" Ma forêt, lieu sensible. Je sens la cicatrice de mon ventre sous mon doigt et ce prétexte d'agonie qu'elle aura finalement toujours été... De reproduction, j'en suis privée. Pas grave mais privée quand même, tenue à l'écart par une vieillesse venue tôt, ce buste protéiforme, mes petits pieds incapables d'avancer. Je suis mauvaise. J'éructe ma vie forgée aux pires matériaux maudissant ma première naissance qui me tua d'un seul coup. "
Si le prix Charles-Brisset existait encore, nul doute que l'Association Française de Psychiatrie se pencherait avec une jubilation vertigineuse sur cette écriture souvent proche de la rupture et qui brouille à dessein ses messages.
Irène, Nestor et la vérité de Catherine Ysmal est un livre puissant par son impuissance même, au bord de l'écroulement comme la mouette en sa chute.
En attendant le nouvel ouvrage de ce jeune auteur, saluons le courage éditorial de la maison Quidam qui, malgré ses difficultés, continue à offrir au lecteur une littérature différente et singulière.
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