Dans son blog Le verbe est une maladie de la lumière, Al Denton, qui a lu Leibniz, pose cette question troublante, forcément troublante comme dirait la grande Marguerite :
" Reste-t-il des choses à nommer dans le monde quand le mal disparaît ? "
Je ne suis pas philosophe. Je saute à pieds joints dans la flaque des concepts et m'en trouve éclaboussé.
Rien ne resterait donc à nommer en l'absence du mal. Nommer, c'est entériner par le langage une désignation. La question posée induit que ce qui a été déjà nommé n'a pu l'être que par la nécessité de la présence du mal. Un raccourci trop commode me pousserait à dire que le langage ne peut exister par le bien seul. Voilà qui revient encore à interroger le statut ontologique du mal, ses fonctions, ses représentations. Il appartient comme perception, comme émotion, comme narration à la petite histoire de l'homme et à la grande histoire de l'humanité avec sa hache. Il soulève la relativité des morales et des éthiques, à la fois singulier et universel, en fonction des appartenances sociologiques, anthropologiques, culturelles.
Et la flaque des concepts se change en mer, en océan sans rivage ni horizon. De tout éclaboussé que je suis, je me trouve bientôt noyé par le tumulte de ma langue.
Eradiquer le mal est un projet majeur de toute civilisation, mais son absence totale, par un contrôle infaillible de l'humain, constitue-t-elle un bien ?
Je me souviens de cette citation de Leibniz : " Il n'y a pas de mal dont il ne naisse un bien. " Renversons-là : [ Il n'y a pas de bien dont il ne naisse un mal.]
Et alors ? Rien ! Je n'ai pas fini de nager dans l'immense océan universel qui n'a ni commencements ni fins, et c'est ainsi que je peux continuer à vivre, au coeur de ma flaque.
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