" Le jour met son bleu de travail. Je mets le mien. " La dernière livraison de Thomas Vinau, Bleu de travail, aux belles éditions cousues collées de La fosse aux ours, se présente comme un inventaire à reprendre sans cesse du simple travail de vivre. Toutes sortes de situations traversent le livre, à petits pas espiègles, enfantins, absurdes, un tantinet surréalistes à l'occasion, avec parfois une délicate pointe d'ironie et quelques mots de langue rude ou verte. La palette infinie de la vie. Du " je" au " on" en passant par le " tu ". Des ritournelles de joies et de peines. Dans la tendresse et la blessure, l'enfance toujours vive, fourbie sur l'établi du temps qui s'éparpille. Comme tout le monde. Thomas Vinau ne se hausse pas du col. " Je fais ce que je peux. Avec mes silences et le reste. Avec mes peurs de bête... Dans nos petits pataugements précieux. Un matin après l'autre. Un oubli après l'autre. Un mot sur le suivant. Je fais comme tout le monde. "
Thomas Vinau est également un observateur averti de la nature, des processions lentes des escargots, lumineuses des lucioles. Avec des précisions d'ornithologue tout en restant poète. Comme la linotte, le pouillot et le sizerin, ou encore le traquet motteux sont des oiseaux qui [s'activent déjà de leurs démarches de brindilles ]. Il écrit aussi : " Je sais que les oiseaux n'ont pas d'épaules... On dirait des hommes qui plient. Des questions qui s'enfoncent dans le sol. "
Enfin, après avoir égratigné la statue du Commandeur Cioran dans une cocasserie qui dérouille les zygomatiques, (Imaginez notre philosophe coiffé d'un bob de guingois en train de raconter une blagounette !!!), Vinau s'essaie à l'exercice d'admiration mais c'est l'amitié qui l'emporte, sans apprêt ni tricherie. Dans leur au-delà, Jean-Claude Pirotte et Pierre Autin-Grenier continuent à ouvrir les bras, à marcher doucement.
Auteur d'une oeuvre poétique et romanesque déjà importante (Nos cheveux blanchiront avec nos yeux, Ici ça va, Alma éditeur et 10/18), le jeune Thomas Vinau impose peu à peu sa prose fragmentaire dans le paysage littéraire contemporain. Réjouissons-nous-en ! Les vendeurs de savon à barbe frelaté n'ont qu'à pisser ailleurs que sous nos yeux.
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