Vu du ciel, le théâtre des hommes est un manège bien fragile. Surtout quand la scène est un werder, terrain gagné sur des eaux fluviales en Allemagne. Qu'une digue vienne à rompre et rien ne restera.
Le lecteur trouvera dans ce lieu à l'unité précaire un grand-père qui creuse la tombe d'une jeune femme assassinée, deux fillettes avec un cerf-volant nommé Jean qui rit-Jean qui pleure, un garçon aspirant à rejoindre une bande de garnements rêvant d'exploits, un écrivain, un organiste génial mais douteux..., une amoureuse déconfite. Quelques autres aussi, à tourner en rond dans le marigot des désirs avoués ou pas, des empêchements, de la fatalité.
Le roman Orage de septembre de Friedo Lampe fonctionne comme un kaléidoscope à virole, avec çà et là des bouffées de musique militaire. Et même les cygnes sur le lac ont le vol trébuchant des condamnés.
Friedo Lampe, fusillé en 1945 à l'âge de quarante-cinq ans par une patrouille russe qui le prenait pour un nazi, a échappé de justesse à l'oubli total. Il était un romantique très crépusculaire dans un corps de géant maladroit, rêvait de voyages au long cours mais, philosophe de l'immobile, détestait l'idée de se déplacer. Il aurait qui sait fui Berlin et suivi ses amis en exil s'il avait pu emporter sa bibliothèque et son piano...
Traduit de l'allemand par Eugène Badoux et préfacé par Daniel Rondeau, Orage de septembre a paru en 10/18 en 1987. Quelques nouvelles et récits complètent ce volume hélas épuisé.
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