En ce siècle qui malmène si durement l'humain, il est bon de lire des livres qui soignent. Les huit montagnes de Paolo Cognetti en est un.
Grand lecteur des aventures des aventures de Mark Twain et Jack London, le jeune citadin Pietro découvre l'univers de la montagne avec son père, homme taiseux et habité par une sourde colère. L'apprentissage est rude, dangereux même quand il porte sur le dépassement de soi dans l'effort. Ce n'est que tout en haut du sommet que vient la récompense : la beauté des paysages, les quelques mots échangés avec d'autres montagnards dans les refuges, la présence enfin plus accessible du père qui, le but atteint, s'accorde quelques minutes de méditation.
Dans le même temps, Pietro rencontre au village un garçon de son âge, Bruno. Gardien de vaches claquemuré dans une haute solitude et peu assidu à l'école, Bruno invite Pietro à une initiation plus traversière de la montagne. Une amitié naît, timidement d'abord, puis s'affermit. Elle résistera au temps et triomphera de lui.
Une vingtaine d'années plus tard, Pietro devenu documentariste filme la vie des hommes sur les hauteurs mystérieuses et mystiques de l'Himalaya. A la mort de son père, le lecteur en mesurera l'insoutenable absurdité, il apprend qu'il lui a légué un arpent de la montagne de son enfance avec une bâtisse au bord de la ruine. Le message lui semble clair : reconstruire, façonner le réel à la seule énergie de la volonté, à la seule force de la sueur.
Pietro retrouve Bruno qui a repris la ferme sur le déclin de son oncle. Ensemble, ils redressent les murs qui s'écroulent. Ils abattent les arbres qu'ils changeront en poutres pour la toiture. Une toiture solide contre les neiges et les glaces. Une toiture sur laquelle les années glisseront sans outrage.
Les deux amis se livrent enfin, autour de la frugalité du pain et du vin quand l'ouvrage de la journée est achevé. Un autre visage du père disparu apparaît. Une autre complexité se tisse lentement...
Ce premier roman, en cours de traduction dans une trentaine de pays, nous offre par ses motifs allégoriques, une vision à retrouver de l'universel humain. Malgré le dépeçage de l'espèce soumise aux appétits de la modernité, et le lecteur en appréciera la méticulosité sur la dépouille d'un chamois érigé en métaphore..., il existe des permanences, des invariances qui n'abdiquent rien : l'amitié inaliénable malgré les malentendus, la transmission de valeurs par la filiation, les vertus de l'engagement au service d'autrui par l'exemple de la mère, les beautés et les puissances supérieures de la nature.
C'est en ce sens que ce roman de facture classique, écrit dans une langue accessible à tous, est un livre qui soigne. L'espoir luit encore et ce n'est pas qu'un brin de paille au fond d'une étable.
Les huit montagnes de Paolo Cognetti est publié aux éditions Stock dans la prestigieuse collection La cosmopolite. Une bonne idée de cadeau pour les fêtes de Noël.
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