On
a perdu aussi le chemin des fossés. Ils ne disent plus rien des enfances
croupies. Il faudrait prendre les oiseaux de vitesse, secouer les rires
alanguis de nos dix ans autour des margelles où l'ennui gauchissait la lumière. Inventer des idées de voyage dans le miroir
de l'eau. Son visage arrêté. Des souvenirs de mantes encore sous l'horizon des
coteaux. Leur attente dans l'herbe couchée, des lames au fond des yeux. Comment
fuir quand le ciel même se dérobait ? En quel repli de soi découvrir un
refuge ? Parfois, dans les contrebas du chemin, une silhouette passait
sans me voir et mes gestes restaient coupés. Cette image-là toujours, que mes
mots font durer.
Il
reste beaucoup à traverser de soi jusqu'au soir, beaucoup à apprivoiser des
faux silences.
L'herbe
fait des faux plis dans la lumière. L'air
couvera bientôt les braises du jour. Mon cœur se serre. Mon sang est une poix,
le nuage du sable dans ma bouche. « Tu
seras bientôt conscient d'une absence qui grandira près de toi comme un arbre ». L'absence du
père disparu en des sables lointains, gorge tranchée.
L'absence de la mère au ventre trop fiévreux. Fardeau de l'ormeau mort qu'on
n'a pu essoucher, des gestes coupés avant le premier souffle. On y creuse avec
des mots sans élan.
On
attendra la mort pour grandir.
J'invente
dans la marche des mémoires d'avant moi, des ombres penchées sur des silences,
des bouches fermées contre des puits. Un
chien jaune y tourne et s'hypnotise. Les mots de
ma mère ont trop manqué de gestes. La lumière ne fixe pas les marges du chemin.
Aucune mémoire ne m'appartiendra jamais. Les heures
vides se sont assourdies. La fatigue n'entend plus ni les feuilles ni
l'eau, tous les corps s’égarent dans des
traverses.
On
reste comme un point sur une ligne sans fuite, on ne cherche aucun lieu sûr.
image pixabay.com
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Dans les faux plis de lumière,
RépondreSupprimeron se perd.
Ainsi que ce dont nous prive
l'absence de perspective...
Dans la fuite de l'horizon ,
point de chanson.
RC