La vie a parfois des sourires dont on devine qu'on les gardera toujours en soi. Dans un étonnement qui ravive la croyance en l'humain.
Luciné, quatorze ans, vient de quitter l'Arménie avec sa famille. L'horizon ne tient plus ses promesses à l'entour du mont Ararat. L'asile en France pourrait lui redonner des couleurs...
En attendant la décision des autorités administratives, Luciné ne perd pas ses journées à pianoter sur une tablette, ne s'abrutit pas de vidéos postées sur les réseaux sociaux.
Luciné lit de la poésie. Luciné lit Passage au bleu de Brigitte Giraud et recopie des extraits sur des feuilles qu'elle assemble avec des agrafes. Elle s'applique à bien former les lettres. Elle veille à ce qu'il n'y ait aucune faute. Puis, grâce à Internet, elle s'arrange pour traduire les textes en arménien, avec l'infinie patience des chercheurs d'or.
Je suis très ému quand Luciné me montre son travail. Par l'intermédiaire de sa tante qui parle français, nous parvenons à échanger autour de la poésie. Je mentionne Parouir Sevak et le visage de l'adolescente s'illumine. Elle prend conscience que traduire de la poésie est quasiment une mission impossible car, me dit-elle en joignant le geste à la parole, la poésie c'est dans la tête, c'est de l'intériorité. Rien n'est plus difficile à traduire que l'intériorité. Puis Luciné me confie qu'elle veut lire aussi mes livres. Plus tard, peut-être, elle écrira.
Il fait nuit quand je quitte Luciné et sa famille. Je ne sens pas la pluie brassée par les sautes du vent. Je ne vois pas les feux rouges et les feux verts qui dansent sur le pare-brise. Je pense au moment rare que je viens de vivre. Une jeune fille, Luciné, aime la poésie et apprend le français avec elle. C'est un cadeau. Un sourire de la vie. Quelques touches de bleu ouvrent l'horizon. L'espoir n'est pas qu'un brin de paille. Vive la poésie. Vive Luciné.
mont Ararat geo.fr
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