Après avoir publié Les bonbons pleurent au Castor Astral en 2021, Sandra Lillo, veillée par les tendres soins de Valérie Rouzeau, fera bientôt paraître Rosetta chez le même éditeur.
Dans son récit Rezé - Nantes, le 15 octobre 2022, Antoine Maine raconte l'aller-retour de Paris à Nantes en TGV en compagnie du photographe Benjamin Teissedre. Quelques éléments de leur rencontre avec Sandra Lillo dans son appartement s'ajoutent à la ligne discontinue des espaces et des durées. "TGV. A 11:10, le train roule à 295 km/h et bientôt ce sera 297. Est-ce que le poème peut s'écrire à très grande vitesse ? Je pense à Sandra Lillo à la table de sa cuisine en train de remâcher les mots de sa vie. Sandra qui semble si fragile, comme consumée de l'intérieur. A se demander si ce n'est pas le poème qui la dévore ainsi."
Dans la lettre qu'il écrit à la poète, Julien Carré note cela : " La poésie n'a, peut-être, de sens que si elle épuise toutes les images, que si elle roule entre ses doigts (brunis d'ombres, lunulés de lumières) les mots avant de les fumer."
Enfin, dans Les bonbons pleurent et les poupées gueulent, Ramiro Oviedo observe : "Sandra Lillo sait rester discrète, mais elle ne se tait pas, quand les bonbons cessent de pleurer. Sa discrétion est dangereuse, comme un cocktail Molotov".
Trois beaux témoignages dans leur émotion. En les lisant, Sandra Lillo aura peut-être grillé une autre clope et la fumée dans ses yeux aura piqué.
Les pages consacrées au vertige s'ouvrent avec un portfolio de Balthazar Leys. Défini (ou indéfini) comme "chasseur nomade de paysages, de cabanes cachées, de jardins oubliés et de forêts inquiétantes", il livre également son regard personnel sur les "désordres de la société globale". Ramiro Oviedo décrit l'artiste comme un adolescent qui serait resté en pyjama, accessible à toutes sortes de conversations et naturellement porté vers l'humain. Son engagement, qui n'est pas directement politique, apparaît d'autant plus dans son oeuvre. Loin des sentiers balisés où vont les touristes fantomatiques, ses cabanes sont des lieux pour tous les refuges, tous les souvenirs retrouvés, dans la solitude ou le partage. Et Sébastien Kwiek ajoute : "Le ventre de la cabane est une galaxie qui joue à cache-cache. Un lieu d'étoiles à l'abri des dévorations."
De nombreux poèmes réunis autour du vertige s'ensuivent. Romain Fustier évoque les paysages défaits par les assauts des eaux contre les terres et [les vaches tombent presque dans la mer]. Sylvie Durbec a le Tournis quand "les murs ont tendance à imiter les rideaux". Le monde pourrait s'écrouler. Marlène Tissot imagine une chute sans fin où "le vide est lisse. On glisse, comme la merde dans les boyaux." Fabien Maréchal tire le cadavre d'un chien mais arrivé au désert, "il ne traîne plus que des os en laisse / ce sont les siens". Dans Eboulis (bribes), Emilie Gévart marche au bord de la falaise avec un compagnon et note : "Il pense encore pouvoir réparer. Sauver ce qui reste de nous. Ce reliquat de notre histoire. Je sais qu'il est déjà trop tard. C'est le matin. J'ai 24 ans. Je mourrai. Dans longtemps. Ou bien je saute." En contrepoint, le vertige de Pierre Rosin est plus apaisé : "le roulis de la mer [est] comme un doux vertige une vibration en harmonie avec celle des autres".
Extraits :
C'était son habitude
Chaque dimanche matin
avec une allumette
il enlevait
les vertiges qu'il avait dans les oreilles
Il entendait la chemise d'un ange craquer
sur l'étendoir
ainsi que le raclement de gorge
du chien le prévenant
de l'arrivée d'un papillon
entré par la fenêtre
Pour comprendre le monde
il nous faut loucher
En nous voyant doubles
nos yeux révèlent
que nous sommes plusieurs
à remonter des précipices
Nos pieds louchent entre leurs orteils
Le silence trébuche entre deux paroles
qui ne s'arrêtent pas de tomber (Serge Pey)
J'ai vu glisser le soir sur la cabane et sous les
parasols.
On aurait dit un vieux journal emporté par le
vent,
ou, pareil,
la caresse amoureuse d'un homme qui tombe.
On raconte que les planètes se voient à l'oeil nu
quand on lève la tête vers les horloges et les
étoiles,
du plus loin du ciel au plus près dans nos
veines,
les tiennes et les miennes,
tic tac tic tac
un vertige de poussière suspendue dans l'air
comme une question après l'autre,
qui n'a pas de réponse
pour les vivants. (Brigitte Giraud)
Sise à Amiens, la revue Meteor coûte 14 €. La qualité est également au rendez-vous dans sa présentation, son papier et le grain des images. Vous pouvez la commander sur le site des éditions La chouette imprévue : www.lachouetteimprevue.com
Je me permets de dire au lecteur que j'ai aussi un texte dans cette quatrième livraison.
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