3 juin 2023, Sud Ouest : "Des centaines de milliers d'habitants au Japon étaient concernés hier par des consignes d'évacuation liées au passage de la tempête tropicale Mawar, qui causait des pluies torrentielles surtout dans le centre et l'ouest du pays, notamment à Toyota City... Le trafic des trains à grande vitesse était suspendu entre Tokyo et Osaka et plus de 260 vols ont été annulés dans le pays."
1973 : Sakyo Komatsu publie son roman intitulé La submersion du Japon. Il y a donc soixante ans. A Tokyo et Osaka, la température dépasse invariablement les trente-cinq degrés. Des gens tombent malades et certains en meurent. Et l'eau manque cruellement...
Onodera, pilote de bathyscaphe, et le professeur Tadokoro spécialiste des volcans sous-marins explorent les abysses au large d'une île qui vient de disparaître. "Il était incroyable que cette mer tranquille et sombre cache en son sein une force monstrueuse, capable d'avaler en une nuit une île longue de mille cinq cents mètres. Mais dans la sombre profondeur de cette mer, un arc de feu de trois mille kilomètres du sud au nord, allongé comme un boa, se dissimulait, continuant de ronger furieusement la roche dure."
La disparition de l'île est le premier événement d'une longue série. Les secousses sismiques se multiplient un peu partout et s'aggravent. Quelques volcans commencent à se réveiller et un raz de marée défigure les côtes de la péninsule Izu et de Sagami...
La communauté scientifique se divise. Les prévisions du professeur Tadokoro sont trop alarmistes. Le gouvernement ne sait pas quoi faire. Il doit agir dans le plus grand secret. Tenir autant que possible la presse à l'écart. Veiller à ce que la population ne succombe pas à l'affolement général et à la colère. Ni la police ni l'armée ne pourraient l'endiguer... Les Japonais sont cent dix millions. Faut-il déjà réfléchir à leur évacuation ? Avec quels moyens matériels et financiers ? Quels pays seraient prêts à accueillir des immigrés en grand nombre ? Les Japonais, fiers de leur miracle économique après la deuxième guerre mondiale, n'ont pas forcément bonne réputation, notamment dans les régions les plus pauvres du globe... Quant aux citoyens les plus démunis, désespérés d'avoir perdu leurs quelques biens acquis à la sueur de plusieurs générations, faudra-t-il les abandonner ?
Il est donc urgent de garder la tête froide en haut lieu. L'optimisme doit rester de rigueur. Du reste, le représentant d'une richissime société privée, nourrit un grand projet qui ne coûtera pas trop cher en personnel : construire un jardin au fond de la mer. "Une société touristique nous aidera à exploiter cette idée. Nous installerons une salle de musique sous-marine."
Il serait hâtif de considérer le roman de Sakyo Komatsu comme une oeuvre d'anticipation. La catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, accompagnée d'un séisme et d'un tsunami, montre que le Japon pourrait connaître un jour le sort de l'Atlantide. Et l'imaginaire des habitants s'ancre d'autant plus dans une incertitude fondamentale. Le Japon existe-t-il vraiment ? Nicolas Bouvier écrit que tous les matins au réveil, les Japonais se posent la question.
A l'heure du réchauffement climatique sans cesse accru par les puissances avides de profits immédiats, la question risque de tarauder bientôt tous les Terriens. Mais où trouver ailleurs un jardin avec une salle de musique ?
La submersion du Japon de Sakyo Komatsu, dont la couverture reproduit La grande vague à Kanagawa dessinée par Hokusai en 1830, est publié aux éditions Picquier poche et coûte 8,5O €.
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