Le chasseur immobile est supérieur à tous les autres chasseurs car il ne rentre jamais bredouille. Les petits riens de l'ordinaire suffisent à sa joie : un caillou roulé sans cesse sous les doigts, les cous allongés de quelques chevaux, un bonbon rond, une lueur sur le montant d'une balançoire dans un " jardin orphelin".
Fabrice Farre, auteur du recueil Le chasseur immobile aux éditions Le Citron Gare, cite en ouverture la Chanson de cavalier de Federico Garcia Lorca. Le poète castillan savait qu'il n'arriverait pas jusqu'à Cordoue car tout autour de lui était invitation à l'ailleurs. Fabrice Farre n'arrivera pas non plus à une quelconque destination car il n'en cherche aucune.
Dans le jardin
où nous ne sommes pas
devant la porte ouverte
et le café qui fume
nous jetons quelque
regard terrestre.
Le muret lézardé puis l'arbre
malingre nous aident à lever nos conditions
nous en sommes réduits
à boire ce qui descend
et nous évalue enfin
sans jamais quitter nos chaises.
La poésie de Fabrice Farre, qui hésite entre vers et proses, saisit ce qu'il y a de plus fugitif dans le réel aperçu. Elle nomme l'invisible du dehors et du dedans mêlés et l'éternelle fragilité animale de l'humain.
Ce qui resserre rassure
le lit à portée, les insomnies intranquilles
sur les mots ressassés, le travail maigre
peu enclin à nourrir l'affamé
le café qui ronronne
la mécanique de l'ordre des choses
et l'idée nomade de n'être de nulle part.
Je suis vite dehors quand je regarde
dans cet intérieur ouvert, les yeux fermés.
Ce beau recueil de Fabrice Farre est illustré avec bien du talent par Sophie Brassart. La revue Ce qui reste, animée par Vincent Motard-Avargues, accueille depuis peu quelques textes de ce poète dont je conseille de suivre les pas. Immobiles.
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