Sylvia Plath, météore persistant de la poésie anglaise contemporaine, est tour à tour réaliste, surréaliste, parfois bucolique dans ses évocations de la nature, souvent macabre dans ses portraits du corps malade. Il arrive même que, subrepticement, un trait d'humour parvienne à s'immiscer dans la richesse de sa palette.
On note aussi, dans Arbres d'hiver précédé de La Traversée ( ouvrage présenté par Sylvie Doizelet et traduit par Françoise Morvan et Valérie Rouzeau ), des éléments trash ou grunge, voire gore, bref, pas très nets entre les doigts de pieds qui dégoulinent. Ces poèmes écrits au début des années soixante font de Sylvia Plath un précurseur de l'ultra " modernité ", qui ne maquille rien de toutes les violences, de tous les égarements. L'écriture même épouse les ruptures du chaos.
Les géraniums rouges, je connais.
Amis, amis. Ils puent la sueur sous les bras
Et les maladies compliquées de l'automne,
Aussi musqués qu'un lit le matin après l'amour.
Les narines me picotent de nostalgie.
*
C'est une statue que roulent les garçons de salle.
Je l'ai amenée à la perfection.
Je reste avec un pied ou une jambe,
Une denture, ou des calculs
A faire tinter dans un flacon et rapporter à la maison,
Et du tissu en rondelles - un salami pathologique.
Cette nuit ces pièces sont ensevelies dans un glacière.
Demain elles nageront
Dans du vinaigre comme des reliques de saints.
Demain, le patient aura un bras en plastique rose,
impeccable.
*
Le tatou sommeillait dans son bac à sable
Aussi obscène et nu qu'un porc, les souris blanches
Se multipliaient à l'infini comme des anges sur une
tête d'épingle
Par pur ennui. Enchevêtrée dans les draps trempés de
sueur
Je me souviens des oisillons ensanglantés et des lapins
écartelés.
*
Je broie des seins gluants comme des poulpes.
C'est pour nourrir
Les violons des langueurs que j'engloutis de l'oeuf -
De l'oeuf et du poisson, mol régal,
Mollusque aphrodisiaque.
Ma bouche arque
Sa moue de Christ
Quand ma machine arrive à bout.
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