Armen Davtyan a plusieurs cordes à son arc. Vice-champion d'Aquitaine en 2012 au tir à l'arc classique, il est aussi tailleur de pierre. Familier des châteaux, des abbayes, des escaliers à double révolution, des balustres et des corniches, Armen est un chirurgien des pierres. Toute blessure est méticuleusement auscultée, désinfectée, nettoyée avant d'être soignée en profondeur. Le burin opère en douceur. L'onguent de sable et d'eau est appliqué avec la plus humble délicatesse. La pierre est un corps qui respire et toutes les pierres ne respirent pas de la même façon. Il faut un grand calme pour prodiguer les soins, une grande patience. Armen a ces deux qualités-là, dans la lenteur et le silence des gestes. Un sourire s'installe sur son visage. Sa main caresse la pierre qu'il a lissée, débusque les aspérités qui auraient pu lui échapper. Mais le travail ne s'arrête pas là. Une chirurgie esthétique s'impose. Gommer les sutures, prévenir la formation de cicatrices. Soigner encore et encore. Pour la beauté. Pour l'âme aussi. Toute pierre a la sienne. Qu'elle tienne debout une pauvre demeure ou le manoir de quelque hobereau, elle a droit au même respect, au même traitement de l'homme de l'art. Homme de l'art ? N'est-ce pas ainsi qu'autrefois on nommait les médecins ! Armen Davtyan, qui ne cache pas son admiration pour le génie de Michel-Ange, est cet homme-là. Il sait la vanité des postures qui prétendent à la science, se moque gentiment de quelque architecte croyant tout savoir. Jamais de méchanceté chez Armen ! Quand on a assisté à l'effondrement de l'Union Soviétique dans les années mille neuf cent quatre-vingt-dix, quand on a piloté un tank pour sauver son pays de l'envahisseur azéri, on compose avec le doute. J'espère que ce que j'ai fait tiendra, dit Armen à voix basse, que ce n'est pas de la merde. L'humilité encore. Les pierres sont plus solides que les hommes. Mais sait-on jamais ! Il ne manque pas d'éléments dévastateurs de par le monde. Il ne manque pas de folie ! La solidité des pierres est aussi fragile. Et c'est ainsi qu'Armen Davtyan, dans les marges du sable et les rigoles de l'eau, incarne le silence de la poésie, de la philosophie même.
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